Une journée des droits-de-la-femme : plus symbolique que politique, à l’évidence.
Tout de même, depuis le 1er mars dernier, notons l’obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés de communiquer l’Index de l’égalité femmes-hommes. Sans compter l’actuel renforcement de la lutte contre le harcèlement sexuel, les violences et les comportements sexistes.
On ne peut que s’en réjouir.
Quant au jouir… En cette époque qui préfère les draineurs aux dragueurs, fuyant les malsaines moiteurs pour privilégier le lisse, l’inodore et l’insipide ; en cette époque de guerre des sexes où tout homme est un porc qui s’ignore, où la nouvelle Préciosité entreprend une purification de la langue et où le néo-féminisme prône un retour au lansonisme en rejetant l’homme dans l’œuvre… La bien-pensance n’ayant pas de frontières, sauve qui peut !
C’est le moment de (re)lire le tonique numéro de Lignes, intitulé « Puritanismes : Le néo-féminisme et la domination » (n° 57, automne 2018).
Tonitruer contre la domination masculine permet-il « de penser la question de la domination », demande Véronique Bergen, qui associe néo-libéralisme et néo-puritanisme ? Selon elle, le mouvement #BalanceTonPorc, « fallacieusement présenté comme une défense du droit des femmes, des droits des minorités, comme un vecteur d’émancipation », n’est en fait qu’un « mouvement dogmatique de néo-puritanisation ».
Dans « Cochonnerie d’écriture », Christian Prigent, celui qui incarne haut et fort la modernité avant-gardiste, ne peut que fustiger une névrose puritaine qui n’est que la face moralisatrice de l’immoral capitalisme.
Tout d’abord, en guise de préliminaire, cet irrésistible avertissement ironique :
« Prudence, petit homme : tu es coupable, forcément coupable. Pas violeur, certes. Harceleur ? Non plus. Mais à l’occasion séducteur sur fond d’autorité professorale ou de prestige littéraire. Suborneur, alors ? sans doute (retenu, mais foncier). Aimant du sexe l’inavouable, l’excessif, le complice avec l’abjection. Mesurant au jour le jour la différence entre l’expansion inextinguible du fantasme et la petite misère sexuelle courante. Emberlificoté par conséquent dans les fils de névrose noués par cette mesure. Pervers à proportion de cette névrose. Balançable, donc, pour peu que tu mettes un bout de nez ou de sexe dehors. »
Cependant, grand amateur des aspérités et impuretés en tous genres propres à toute véritable expérience – fût-elle scripturale -, ce « petit homme » ne fait pas dans la prudente retenue : contre l’hygiénisation de notre relation au corps comme au sexe, contre la naturalisation homogénéisante de la langue comme de son usage poétique, l’horrible trouvailleur (Le Pillouër) en appelle à l’ordure et… à Artaud ! Que sont ces néo-puritains ? « Des chiens, qui pensent immédiatement avec la terre ».
Quant à la grotesque régression nommée « écriture inclusive » – qui en fait occulte les causes sociopolitiques des différences sexuées -, elle fait l’objet d’un traitement comique dans « Zoorthographe d’usage », cette « sotie pour deux voix » que l’on retrouve dans Poésie sur place.
Pour être régressif et excessif, le néo-féminisme puritain n’est assurément l’avenir ni de la femme ni de l’humanité.