la mère attend les enfants
ils sont vieux dit-elle
l’un des garçons pleure
il fait froid c’est la nuit
l’eau coule perpendiculaire sous les yeux
peu m’importe je fais ce que je veux
dit la mère dans une parole
la nuit et le jour
l’arbre tombe en un bruit flou
le lac dans une parole fait écho
le lac flotte
l’arbre glisse sur le lac
les enfants sont loin avec la hache
il faut du temps pour rentrer
les enfants coupent du bois
ils transpirent sous les coups
au milieu ce sont des mots
la brume envahit l’espace
ce sont les saisons qui partagent
les moments fondent sous la glace
elle se penche comme une respiration
elle avale son effacement
elle se remet à parler quelques lettres
son visage est dans sa bouche
les enfants tremblent ils se sont perdus
un autre plus petit voit des flammes
dans le noir l’étincelle est douce
il rêve du reste d’un mot
un animal c’est un cheval
un percheron qui porte crinière
le cheval a de la patience dans le froid
il est tout près c’est un percheron
il fait froid la mère a des dents
elle frotte ses mains
son corps a un accent vertical
la nuit et le jour sont un vertige blanc
les garçons de la mère aiment la mère
l’étoile la plus proche trace un chemin
le chemin conduit à d’autres chemins
l’un des garçons a des larmes
le percheron a beaucoup de force
dit le livre des définitions
le cheval a beaucoup de tendresse
même s’il est blessé dit une voix
le ciel conduit ses couleurs
c’est presque le jour presque la nuit
la maison avec la mère dedans et ses mains
sous l’eau pour éteindre le feu dedans
les oiseaux où sont-ils
dans la mort des animaux dit-on
par tout le ciel de la terre ils volent
dans le livre c’est écrit
dieu est un cheval dans les alphabets
c’est écrit le cheval est dans l’écurie
la mère dit le cheval est dans l’écurie
dieu aussi dit la mère dans sa bouche
un autre arbre tombe de ses branches
le froid en un lent vol fait du flou
la bouche prend dans son dedans le froid
de l’eau de la gourde aussi
le retour du père attend les enfants
dans sa bouche il y a des mains
pour manger il faut des mains
pour couper le bois c’est la sueur
les enfants tremblent avec le vent
quelqu’un cherche un garçon la nuit
un autre est perdu
quelqu’un et les garçons s’égarent
le père et la mère sont à table
des mots de paroles seules se posent
d’un bout l’autre de la pièce
un blanc pâle voile la bouche
la mère descend avec les mots
elle a les larmes dans un bras
la mère a de la parole dans la descente
en bas le jour presque la nuit
le petit garçon joue dans le lac
l’arbre du petit garçon glisse
le ciel est la neige blanche
dans le ciel le père arrive
la forme du lac change
la barque sort de l’eau
un homme jeune arrive
il vient pour couper du bois
le père porte le corps de l’enfant
l’enfant est vieux comme le père
l’enfant tremble avec les dents
les mains frottent le corps qui se déploie
le percheron est un cheval puissant
il n’éternue pas et dort debout
derrière le percheron la maison en flamme
la mère attend les enfants devant
l’homme jeune brûle de désir
il a une hache fendue sur le cœur
l’arbre parle avec son tronc
la cime de l’arbre fait tomber la neige
il est tard dans l’épaisseur
la joue tremble avec sa larme
le mot de la bouche siffle
c’est la nuit sans plus le jour
le sommeil est une pénombre sourde
le temps glace son envie
l’enfant est debout comme un cheval
l’autre garçon attend quelqu’un
dans le livre la nuit s’ouvre
le livre pèse lourd à la seconde
les mots de la parole dans les dents
la mère et le père mangent le pain
l’effroi des arbres tombés
le percheron suit la longueur d’un arbre
le sillon dans la main du garçon
l’homme jeune n’est pas venu
l’oiseau est absent dans le ciel
il brille dans la bouche
c’est une plume et un œil noirs
le père étouffe de la lumière
le lac rétrécit à rebours
la barque glisse dans le trou du lac
le petit garçon boit de l’eau
l’homme jeune passe par-dessus
la nuit prend sa respiration
l’air est blanc comme blanc de l’œuf
sur la neige la neige recouvre la neige
le souffle sur la neige n’est pas de la même trempe
les animaux ne sont pas tous cheval
le percheron est un cheval avec crinière
un garçon monte sur l’animal cheval
l’oiseau est un animal qui se cache
les nuits sont les jours les jours légions
oui da oui da oui da
le cheval acquiesce d’un œil blanc et poivre
les flammes de la maison restent dans la maison
le livre s’ouvre et le livre se ferme
les cahiers se détachent du livre
des boules de papier froissé
un amas de boules à rebours
les bouches de la mère et du père
la mastication des mots a de la sueur
le crachat a de l’encre près du feu
c’est le feu bleu avant le feu chaud
à côté de la lumière brille l’oiseau
il nage au milieu de la ramure
il n’a pas de voix il ne chante pas
l’oiseau couve la mort des arbres
les enfants marchent dans la neige
ils sont perdus longtemps
les enfants s’enfoncent dans la forêt
les souvenirs fondent comme les souvenirs
c’est un homme bon il fend du bois
l’homme bon est jeune
il tourne autour de la bouche des bûches
l’oiseau avec ses plumes et son os brille
la mère offre une éternité achevée
les enfants mangent de la neige
le froid se commue en joie
la maison brûle comme du papier