[Libr-retour] Nanni Balestrini, Chaosmogonie, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

[Libr-retour] Nanni Balestrini, Chaosmogonie, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

juin 9, 2024
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Libr-retour] Nanni Balestrini, Chaosmogonie, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

Nanni Balestrini, Chaosmogonie, La Tempête éditions, traduit par Alain Fischer, introduction de Nathalie Quintane, 2020, 128 pages, 14 €, ISBN : 979-10-94512-14-2.

 

De Nanni Balestrini (1935 – 2019) sont publiés ici, dans une magistrale traduction d’Alain Fischer, en hommage posthume, quelques textes récents ou inédits – tous inédits en français. On est happé d’emblée.

Quand La poésie fait très mal – « la poésie », dit-il, répète-t-il, réitère-t-il, non pas dans une démarche anaphorique mais sur un périple de longue haleine, abrupt, bienveillant, généreux, bon enfant comme a pu l’être le bon Guillaume. Dans sa bouche s’approprier la poésie est légitime. Il n’est pas une affirmation qui n’invente et ne taise, entre virgule et parenthèse tournant à crochet, une variante du point d’exclamation, à mi-hauteur.

Quand La poésie fait beaucoup de bien, une vigueur étonnante se déploie et se rétracte entre humour et ironie, sans raillerie, comme entre ses sujettes jumelles sans fin dépassées, dépossédées.

Une poésie au long cours qui chaque fois se franchit comme le Rubicon. L’anaphore légère poussée à son paroxysme. Les redondances les plus têtues, les plus convaincantes. L’air dont danse sur son erre, sur son aire, danse danse danse, se gardant de toute dense idée, un bien ivre sur la page.

Une âpre poésie, évidente et subtile, tortue en diable et torchée au galop, d’une jeunesse que son grand demi-siècle a armée mal larmée.

La liberté touffue de langue en prend parfois à son aise mais on pardonne à Nanni Balestrini qui aussitôt se reprend en gigogne, se déprend et cogne à tort et à revers.

Quand dans Des poulpes pas des mots tous dictons et adages se rapportent de tous leurs tentacules à leur poulpe commun, (« aide-toi et le poulpe t’aidera / en tout il faut considérer le poulpe / comme on fait son poulpe on se couche / chassez le poulpe il revient au galop // il faut faire poulpe de tout bois / le poulpe du voisin est toujours plus vert / ce n’est pas au vieux poulpe qu’on apprend à faire la grimace / un de perdu poulpes de retrouvés // un pour tous chacun pour poulpe / poulpe rouge le soir laisse bon espoir / qui se hâte trop reste en poulpe / à bon entendeur poulpe // la nécessité fait poulpe / le poulpe est le miroir de l’âme/ un poulpe averti en vaut deux / tel père tel poulpe ») sur quatre pages en quatrains aux échos de rondeaux – nous nimbe encore cet âge d’or transalpin où à une poésie visuelle festive étaient conviés des villages entiers.

Mais quand en chaosmogonie est pris par les cornes le taureau d’une poétique qui rassoit une respectabilité révolutionnaire hors d’âge, tout en sextines émolliant le rondeau, on se demande ce qui a lâché. Heureusement, aux Instructions préliminaires finales, la sextine est servie, chaque fleur sur sa tige (une  réflexion théorique), en un pantoum renouvelé que ne désavouerait pas Baudelaire.

En couverture, un mandala auquel a participé Liliane Giraudon ouvre en chaosmogonie sur cet âge d’or où le féérique et l’organe avaient      partie liée.

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