balise #1
Faire la paix
Depuis le lundi 16 mars 2020 et « l’adresse aux Français » de l’actuel président de la 5e République, nous serions en guerre. À six reprises le président de la République Française, Emmanuel Macron, a déclaré que la France serait en guerre. Peut-être l’État, français, l’est-il mais les Français et les Françaises le sont-ils ? Peut-être pas. Tout ou partie des Françaises et des Français ne le sont pas. En plus de guerre, il fut question d’ennemi, d’un ennemi « qui est là, invisible, insaisissable, qui progresse ». Souvent ces mots d’ordre ont été repris, portés même par des représentants des personnels de santé ou de soin. Que la situation sanitaire soit sérieuse, grave, est une certitude. Que la France ou que les citoyens français soient en guerre l’est moins.
À la différence des discours soutenant que nous sommes en guerre, il nous semble plus que jamais indispensable de militer en faveur d’une politique de paix. La France, en tant que pays — mais pourquoi pas aussi en tant qu’État — les Français et les Françaises sont en paix ; peut-être n’ont-ils qu’un souci (de nature) politique : c’est d’être en paix. C’est la paix ; nous sommes en paix ; nous restons en paix. Plus décisivement encore s’agit-il sûrement de faire la paix. D’un côté on nous propose d’être en guerre, de l’autre nous soutenons qu’il s’agit de faire la paix. Être en paix serait tout à fait insuffisant et renverrait à une conception statique —étatique — de la paix alors que la paix est mouvante, ce pourquoi il est possible de la raccrocher à une tradition démocratique ou politique fondée sur le conflit, le désaccord et certainement ni sur la concorde ou l’ordre.
Fonder une politique sur la paix ne peut dès lors pas se cantonner à un discours confondu avec un usage démultiplié du mot. Fonder une politique sur la paix consiste bien plutôt à proposer un discours de paix. Pour faire la paix encore faut-il activement mettre en œuvre une politique égalitaire, sans distinction de condition. La guerre une fois n’est pas coutume est invoquée parce qu’elle est instaurée depuis des décennies, menée pour dresser des gens contre d’autres gens, garantie de fait par des politiques étatiques et inter-étatiques qui minent jour après jour non plus nos vies mais nos existences même. De telles politiques favorisent sinon un statu quo sinon une détérioration générale des conditions sociales. Les situations extrêmes, telle celle que nous vivons actuellement, constituent des révélateurs. Il n’aura d’ailleurs pas fallu attendre bien longtemps — les premiers jours de confinement passés — pour que le sujet des salariés contraints de travailler dans des conditions non satisfaisantes d’un point de vue sanitaire ou contraires aux préconisations ne fasse surface. Plus généralement, il suffit d’être confronté au monde du travail, à la détérioration accélérée de son exercice (exploitation toujours plus grande, précarité croissante, droit des travailleurs niés, surproductivité, chantage au chômage, etc.) pour déplorer que la guerre arguée par le président de la 5e République correspond depuis longtemps maintenant à la réalité sociale.