[Chronique] Christian Prigent, Bébé moche, beau bébé (à propos de Jean-Luc Caizergues, Bébé rose)

[Chronique] Christian Prigent, Bébé moche, beau bébé (à propos de Jean-Luc Caizergues, Bébé rose)

novembre 6, 2024
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Chronique] Christian Prigent, Bébé moche, beau bébé (à propos de Jean-Luc Caizergues, Bébé rose)

Jean-Luc Caizergues, Bébé rose, Flammarion, collection « Poésie-fiction », en librairie depuis le 30 octobre 2024, 2024, 148 pages, 18 €, ISBN : 978-2-080-45674-8.

Le Bébé de Jean-Luc Caizergues est programmé poésie par la collection où il paraît. Le look des textes confirme : peu de mots, beaucoup de blanc, typographie silhouettée.
C’est donc ce logiciel qui s’ouvre : on va lire un livre de poésie.
On voit alors surtout que ça lui dit merdRe, à la poésie.
Mais sans en remettre : en s’en retirant, plutôt. Zéro « je » lyrique, zéro appareil rhétorique, zéro mélodie, zéro altitude sublimée (pas non plus d’ailleurs de mécriture sur-jouée, de ludisme oulipien,  d’objectivisme sévèrement impassible).

Juste quelques brèves scènes d’enfances traumatisées. Mais vues par le bout de jumelles tenues à l’envers : renfoncées plus à fond au fond du paysage, miniaturisées, asséchées, condensées sur la nullité banale (la vie). Pasolini faisait ça à la fin de Salo, quand il s’agissait pour les protagonistes de voir, dans la distance froide, le plus sanglant.

Ça n’est ni idéaliste, ni pâteux, ni patheux, ni ornementé. Sans phraséologie, sans aura de  « profondeur ». Tranché net, avec un humour très noir, dans une sorte de mémorial familial cruel. Incapable d’autre chose que d’une phrase découpée en segments ultra brefs. Sur chaque page : un haïku fruste, osseux, goguenard, qui flashe sans insistance (mais fait mal).

Bémol : la volonté affichée de ne pas faire style finit par faire style à son tour : style de cette volonté même. Du coup, le minimalisme de la forme fait manière, bientôt maniérisme : ne dit plus que la volonté d’être formellement ce qu’il est.

Le livre étant fort court, ça ne va pas jusqu’à gêner. Mais que la question surgisse fait que cette gêne pointe. On devine que ladite manière rencontrerait vite sa limite, perdrait sa raison d’être.

Mais Caizergues, qui, dans ce livre, a toujours l’air d’expier par une raréfaction puritaine les façons (baroques, flamboyantes) qu’il a par ailleurs de maltraiter la langue, ne manque apparemment pas d’autres raisons d’écrire.

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