Guillaume Basquin, Tweet n° 1, éditions Tinbad, en librairie depuis le 11 mars 2025, 112 pages, 16 €.
Non, contrairement à ce que pourrait laisser imaginer la couverture de l’ouvrage, ce n’est pas la pornographie décomplexée des propriétaires de média qu’attaque Guillaume Basquin mais le système de réglages et contrôles, social et idéologique, construit aux dix-neuvième et vingtième siècles. Ce système fut dénoncé d’abord par les économistes, qui le jugeaient liberticide, dès les années 1970. Milton Friedman, dont le mot d’ordre était « Free to Choose », fut couronné par le Prix Nobel d’économie en 1976. Mais par un de ces curieux hasards de l’histoire, 1976 est aussi l’année où paraît Télex n° 1, de Jean-Jacques Schuhl, fantastique fiction dont Basquin a reconnu la violente nouveauté. Aujourd’hui, les libertariens mondialement tiennent les comptes, les conférences et congrès se multiplient, les points G, 20 ou 7, continuent dans leur morne érotisme, nous sommes pris sous l’invasion insidieuse et cynique du bon sens. Comment alors poursuivre une publication permanente telle que l’annonçait Isidore Ducasse ?
Guillaume Basquin, cornegidouille, s’y emploie ! Il ouvre les cornes d’abondance de son impressionnante culture, pratiqu’une « littérature autogyre pour dézinguer tous les sabirs ». Sa course est un peu diabolique, plus encore que ne l’était la roue carrée de Joyce. Cependant, son entreprise est ici fermement cadrée : 10 tweets de chacun 10 pages. L’ambition est énorme mais l’auteur garde l’œil sur le cadrage. Pourtant, cette armature formelle contient, le lecteur embarqué l’entendra, une souffrance, qui ne se dit pas. Une révolte.