[Texte] Sébastien Ecorce, (e)space

[Texte] Sébastien Ecorce, (e)space

avril 24, 2025
in Category: Création, UNE
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[Texte] Sébastien Ecorce, (e)space

Le problème espace : c’est qu’il ne recouvre pas le vivant, la surface du vivant mais qu’il s’étend en lui. Il n’est pas un revêtement. Il est un ouvert placé en lui. Un pavage qui le rythme. Un vivant qui ne tend pas vers l’espace n’est pas réellement un vivant. Un vivant qui ne s’anime pas dans l’espace n’est pas non plus un vivant. L’espace est une borne ouverte du vivant. Il est un vide orienté par la mécanique du vivant. L’horloge des tenseurs. L’horloge des vecteurs. Mais il peut très bien faire sans le vivant, l’espace. Mais l’espace, il peut se retirer du vivant. Il peut se retirer une main du vivant. Une oreille. Un point. Le vivant porté même pas ces ombres défuntes ne pourra jamais crever l’espace. Il pourra vivre de ses erreurs dans l’espace. Car il se dit que l’espace ne fait pas d’erreurs. L’erreur est contenue dans l’espace par le vivant qui la reformule à sa manière, en sa nature. Et ce ne sera pas un vide. Ni un vide dans l’espace. Ce sera un espace d’espace. Ou une espèce d’espace, autre. Sans le rythme du vivant. Un espace pose toujours son propre espace. Un espace est une composition d’espace. Mais quelle serait la nature de l’espace sans le vivant. Sans le chant « polytonique / polyphonique » du vivant. L’espace ainsi posé ne peut répondre à cela. Il compose. Le vivant incarne, manipule des dimensions, les temporalités. L’espace lui est stable, métastable, instable. Il touche au vivant comme le vivant s’étend en l’espace. C’est sa nature « dénaturante » de vivre dans les distances et les proximités dans l’espace. Le vivant voudrait jouer à l’espace. Toujours. Il voudrait en faire des osselets dans les plis de sa main négative. C’est la nature même d’une « déformation » du temps dans l’espace. Jouer à l’espace. Jouer dans l’espace. Les pièces du vivant. Et si le vivant n’était que le « nerf pincé » de l’espace. Une rencontre avec l’angoisse du « déferlement » qui ne cesse de faire reculer un espace sans horizon. On pourra toujours dire que pour le vivant, l’espace est un « lointain-proche » en des bords qui n’en finissent pas. Ne jamais finir l’espace. Il ne pourra jamais répondre, l’espace. Ou peut-être d’une « faille » soudaine. D’une « conversion » d’espace. D’ailleurs, la mort ne finit pas son espace. Même le vivant est le « sentiment d’espace ». Il voudrait interroger l’espace. Pour le supplier, presque. L’approcher d’un mot « d’espace » dans sa logique « d’univers d’espace ». Un mot. Un seul. L’approcher. Dans le rêve du vivant, l’espace est un drôle d’oiseau de nuit. L’espace est une drôle de « bête » qui ensommeille le vivant.

 

 

M. Bouruissa

 

 

Une « conjuration » de spectres d’espace – « espace commun sans propriété ».  On voit déjà que c’est le « sans propriété » qui pose limite. Qui pose un terme à l’espace. Disons davantage que : « l’espace commun » ferait advenir le « spectre » du « sans propriété ». Cette voie-là serait plus admissible. Car l’espace, et a fortiori, « l’espace commun », n’est que proposition de « propriétés » à définir, redéfinir. Propriétés en son sens « attributif », de l’application, et de l’action. C’est déjà, là, la « preuve » d’un « continuum » possible des « formes » d’espaces, ou « d’état d’espace ». Le « spectre d’espace »  ne serait-il pas une formulation de ses « propriétés », à perturber ce « vieux rêve » d’un « intouchable » espace qui bougerait encore comme la « figure » éternelle et rémanente de la « hantise » de tout espace à déterminer. « Ces lambeaux ». Ces « faisceaux. Ces « pelures » d’espace.

Je lis les « gestes » d’espace. Les images qui nous hantent, comme autant de réseaux topologiques et réticulaires. Le spectre d’espace, «  le temps hors de ces gonds », est-il repris ainsi de façon spectrale dans certaines formes de « théâtralité » spatiale. La « ruse » du spectre d’espace est de ne jamais réellement nous mettre « hors » de l’espace, « hors » de sa connaissance « située » et « intégrée ». Ainsi, s’il nous « dé-situe » sur la « scène » de nos représentations, c’est pour mieux nous « replacer / déplacer » dans une suite d’espace.

Ne voyez-vous pas qu’il se déploie, mais dans quel espace ? Dans quel « espace d’espace » qui serait « spectre d’espace » et par là-même un « ailleurs » de l’espace ? La virtualité a ses « fantômes d’espace », la virtualité porte des croyances d’espace qu’elle relie à des matières qu’elle décontextualise, les formes précipitées des disparitions. La « dissémination » est un grain qui infuse la « capillarité » des espaces. Des espaces à épuiser. Ne faudrait-il pas aller au-delà de l’idée d’un « ailleurs » dans l’espace pour toucher réellement à l’espace, et à ses « spectres », en cette dynamique intérieure. En cet espace qui n’est jamais « identique » et « identifiable » à lui-même.

C’est l’idée « d’ailleurs » qui épuise le « spectre d’espace ». Pas l’espace. L’espace n’épuise pas l’espace. Il ne le fatigue pas. Mais la tentative forcée, démesurée, de la construction d’un « ailleurs » l’amenuise. Rien de plus « utopique » comme un « ailleurs » intouchable. Et projectivement, « oppositif ». « L’ailleurs » intouchable est une « topique » pulsionnelle de la spatialité mal vécue. On dépolarise ainsi les « conflictualités » de spectres en des « fictions » de luttes qui  ne sont que le rêve d’images creuses aux pauvres représentations. « On ne partage ainsi que les « mirages » que l’on combat ». On ne substitue pas les mirages de l’espace à ses spectres : îlot, oasis, cabane, refuge, non-lieu : « fata morgana ». On ne substitue pas l’universel de l’espace à l’absolu recours de ces reflets.

L’espace « là-bas » est illusoire. Le « là-bas » est « l’ailleurs » illusoire mobile dans l’espace. Une feuille de représentation prise et froissée dans le spectre d’espace. Une « auto-plastie » d’un « rêve d’espace » qui s’annule dans l’idée même de son « ailleurs ».

(…)

 

Sébastien Ecorce

Professeur de neurobiologie (Pitié Salpêtrière, Icm),
co-responsable de la plateforme de financement, bricoleurs de mots, créateur graphique, pianiste.

 

© Bandeau et reproduction en arrière-plan : Morellet et Kawabata

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