[Chronique] Barbara Le Moëne, Femmes barbelées, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

[Chronique] Barbara Le Moëne, Femmes barbelées, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

juin 16, 2021
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Chronique] Barbara Le Moëne, Femmes barbelées, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

Barbara Le Moëne, Femmes barbelées, Voix d’encre, monotypes de l’auteure, mars 2021, 88 pages, 19 €, ISBN : 978-2-35128-182-6.

 

Femmes en prison. Souffle sur elles un vent de déréliction plus fort que sur les hommes. Peu nombreuses, donc regroupées loin de leur famille, recevant peu de visites. La plupart ont connu des violences conjugales, outre les privations, la séquestration, l’isolement. En faute majeure – la femme traditionnellement gardienne de l’ordre moral – leurs proches leur tournent souvent le dos. Omniprésente : la honte. De plus faible niveau social que les hommes, souvent illettrées. Beaucoup de petites mules de la drogue. Peu d’infanticides – les plus sévèrement condamnées. Contre celles qui ont assassiné leur mari, la préméditation est le plus souvent retenue – mais oui, car elles le craignaient –, entraînant là aussi des condamnations plus lourdes que sur les hommes. Tout cela assorti de chiffres, trouvé sur internet, j’en remercie les sociologues Myriam Joël et Corinne Rostaing, je ne pouvais aborder le livre  sans ces informations. Il m’a fallu aussi évacuer ce que le titre évoque de freudien, à la pure confusion masculine, outre les pièges effilés contre le viol lors de la guerre du Viet-Nam.

Il est vrai aussi que les plus dangereuses, les plus coupables, ne commettent rien de répréhensible pénalement.

Cela dit, un très beau livre, inspiré par une série de portraits de femmes incarcérées que la photographe Bettina Rheims a réalisés en 2014, et auxquels répondent des estampes de l’auteure, imbibées de carmin, au plus direct.

Oui, ses monotypes sont saisissants. « La rencontre avec [l]es photographies a été pour moi un déclencheur », écrit Barbara Le Moëne, qui invente ici un impressionnisme nouveau, bicolore noir et carmin, de l’engouffrement en un visage. La violence récidivée subie chaque jour est rendue exponentiellement sur des portraits détourés au profit de la seule expression, rude, impressive, spasmodique.

En exergue de chaque poème, quelques lignes pour dire un trait carcéral : « Verrou du haut, / verrou du bas, / bruit métallique des verrous que l’on tire » ou « Psychotropes / tromper le temps / ne plus penser ». Le poème qui illustre ce dernier thème peut être cité intégralement : « Venez à moi / – amis, venez / foulez ma terre d’oubli / s’enroulent en boucles à l’horizon les nuages / sur ma route j’ai cueilli un sourire sauvage // je reviens de loin / j’ai comme un coup de poing dans l’œil ».

La poésie compassionnelle est un vilain métier.

J’aurais préféré que Barbara Le Moëne se soit donné la peine d’obtenir d’aider ces femmes de quelques phrases. Bettina Rheims a fait le travail pour elle.

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