En ce jour d’élections-piège-à-cons, on pourrait se demander : Quand arrêtera-t-on ce jeu du comme-si qui nous maintient hors-réel (comme on dit hors-sol) ? Quand inventera-t-on une autre démocratie pour ne pas laisser triompher une « post-démocratie » liberticide / égaliticide / fraternicide ? Quand inventera-t-on une véritable République qui fera prévaloir le bien commun de l’Humanité ? Commençons par créer de nouvelles utopies, en ce temps où fleurissent avant tout les dystopies…
On pourra aussi méditer sur notre monde en crise à partir de notre rubrique « En lisant, en zigzaguant… » ou en découvrant deux nouvelles aventures d’Ovaine, des plus fantaisistes (Tristan Felix)… Nos Libr-livres reçus donnent également à penser, du reste.
Mais auparavant, deux Libr-brèves…
Libr-brèves
► Saluons le redémarrage de Sitaudis, avec la quatrième livraison du Journal 2019 de Christian Prigent : ici. Et saluons son directeur, Pierre Le Pillouër, dont l’état de santé s’améliore.
► Découvrez le travail de Pauline Picot, auteure de Des camisoles : ici.
En lisant, en zigzaguant…
► « Chaque crise est l’occasion d’une accélération des formes les moins humanistes de la vie en commun » (Mathias Richard, 2020 : L’Année où le cyberpunk a percé, p. 15).
► Les Cahiers de Tinbad (n° 11, printemps 2021, 128 pages, 16 €) : excellente livraison qui, entre autres, offre un mini-dossier Godard et de passionnantes réflexions sur la crise sanitaire – dont on trouvera quelques extraits ci-dessous.
« La France […] est ce beau bateau soûl qui a en ce moment même à sa tête un personnage étrange qui, quand il ne se prend pas pour un roi thaumaturge de droit divin, prétend jouer la partition de Clémenceau en guerre, bien que la seule guerre qu’il mène est celle de son pouvoir contre son peuple, et que ses amitiés et ses références pétainistes et maurrassiennes ne sont plus à prouver » (Axel Tufféry, p. 40).
« On a les épidémies qu’on mérite. […] Nous autres, sociétés économiques, n’avons plus de tragédie : nous n’avons plus que des déséquilibres. […] Que s’est-il donc passé ? Sommes-nous devenus incapables d’admettre qu’un drame puisse se dérouler sans que nous puissions le contrôler ? » (Philippe Blondeau, p. 61).
« Il faut bien comprendre que la crise de la Covid-19 n’est pas sanitaire, mais politique, et qu’aucune des mesures liberticides n’est fondé scientifiquement. En revanche, elle met en évidence la corruption complète du corps politique et de ses factotums médiatiques et scientifiques, et, plus particulièrement, leurs allégeances envers les puissances de l’argent et leur projet totalitaire. La crise constitue à la fois le symptôme de la faillite de la démocratie représentative, et le prodrome du retour d’une gouvernance uniquement respectueuse des droits du capital » (Michel Weber, p. 74).
Libr-livres reçus (Quatrièmes de couverture)
► Brigitte Gaïti et Nicolas Mariot dir., Intellectuels empêchés Ou comment penser dans l’épreuve, ENS éditions, juin 2021, 290 pages, 24 €.
Germaine Tillon, Jean-Paul Sartre, Marc Bloch, Charlotte Delbo, Bruno Bettelheim ou Roland Barthes : voici quelques-uns des intellectuels que l’on croisera dans ce livre. Ils ont en commun d’avoir éprouvé, plus ou moins longtemps et durement, des moments où ils ont été empêchés de lire, d’écrire, d’enseigner, de peindre, etc. Tous ont témoigné de ces épisodes de mise à l’épreuve dont parfois on ne se remet jamais. L’ouvrage prend ces situations d’empêchement, subies ou choisies, comme autant de terrains d’enquête : que disent-elles de la condition intellectuelle ? Que mobilisent ces hommes et femmes pour faire face aux privations dont ils et elles sont l’objet ? Au fond, ce que nous donnent à voir ces récits de captivité, ces carnets de guerre ou ces correspondances d’exil, ce sont les tentatives pour reconstruire ces mondes. Dans l’épreuve et malgré elle.
► Dans les galops du sable. Anthologie internationale de poésie contemporaine : 1. Arabie saoudite, édition de Abdullah Alsafar, trad. Moëz Majed, Presses du réel, coll. « Al dante », juin 2021, 368 pages, 30 €.
« La même nuit que moi, ou la veille au soir, dans la même clinique, naît le fils d’un héros local de la Résistance. Le moment venu de me donner un prénom, duquel on ne s’est jusque-là pas mis en peine, ma mère demande comment s’appelle le fils du héros local. Le prénom connaît une version féminine. On ne va pas chercher plus loin. »
Avec ce nouveau livre, Danielle Mémoire s’approprie le genre autobiographique en s’inspirant directement du livre My life (1980) de la poétesse américaine Lyn Hejinian. Le premier paragraphe pour la première année de vie, suivi de deux pour la deuxième, puis trois pour la troisième, et ainsi de suite jusqu’à la trente-sixième année. Puis on redescend, de manière à arriver à un unique paragraphe, d’une unique ligne (et citée de Lyn Heginian), pour la soixante-douzième année.
Les éléments retenus peuvent être ou bien les seuls dont l’auteure est sûre pour une année donnée, ou bien ceux qui sont, ou peuvent apparaître comme étant la source de motifs dans l’ensemble de ses écrits. Et l’effort de scrupuleuse véracité devient le principe à la fois génératif et limitatif du livre.
► Mathias RICHARD, 2020 : L’Année où le cyberpunk a percé, Caméras animales, en librairie depuis le 8 juin, 72 pages, 10 €.
Contrairement à ce que son titre pourrait suggérer, « 2020 : L’année où le cyberpunk a percé » est un livre très humain, à fleur de peau, un « livre de survie » . Dans ce texte écrit entre mars 2020 et février 2021, Mathias Richard partage avec nous des pensées, des réflexions, des poèmes, des humeurs, des visions, des perceptions, des sensations, des élans, des folies, des témoignages, des confidences, des blagues, des désespérances, des ambiances, des mantras.
Ou quand une crise extérieure rencontre une crise intérieure !
Les nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/
♦ Un jour, Ovaine, assise à la table d’un dandy dînant d’un dindon, commande un dos d’âne en daube.
– Dites donc, la dodue, glousse-t-il, vous êtes douée ! Sacré coup de « d » !
Ovaine longtemps dodeline avant de lui balancer dans les dents :
– Je m’adonne au hasard, je deale avec les dessous du monde – mais je pipe les dés !
Profitant de l’aubaine, le dindon de son bec dur tente de redresser le dos de l’âne qui brait comme un damné en sauce.
Ovaine admire en douce ce duo qui dérive au-delà et le dandy s’endort, le bedon vide, sans deviner leur sort.
♦ Ovaine avide un saucier vaudou pour se vidanger l’âme : Hep, la totale ! empire-t-elle, le viseur candescent.
L’animol lui torque au décrotté que son âme est frusquette et vétustement criarde pour une purifaction.
Sans s’esplatir le cervel, Ovusque barbote à l’étal une gelinette, la débarbule et retoque son injoncte.
Alors, Angelinette, dans un glousse témérificque et pour s’escapader le cuir, lui volte au col de fientesque allure.
De juste extripé de son trou, le lupus en alerte grelue, dévolte la voltille et vitupe l’Ovscure sur son outrecrudence.
Il replume une à une l’angeline frissonneuse et Ovaine, enfin dépoussiérée, papouille le veau doux qui broutille en un pré l’âme des fleurs.