Claude Louis-Combet, Aube des chairs et viscères, Illustrations de Nomah, coll. « Scalps », Fata Morgana, en librairie depuis le 19 février 2021, 56 pages, 14 €, ISBN : 978-2-37792-074-7.
Passant du statut de praticien chirurgical à celui de peintre, Nomah s’est doté d’un œil ou plutôt d’un regard qui échappe à l’écriture. Car si les mots coulent, apparemment intarissables, sans se déprendre du secret obscur qu’ils ne peuvent cerner, la peinture permet d’aller plus au fond de ce secret.
Et Louis-Combet évoque comment la main de l’artiste prolonge celle du chirurgien pour compresser, ouvrir et mettre à nu l’énigme irrésolue de la vie. Sortant de la fente, de l’interstice de l’horizon de chaque toile, émanent des « étendus plus sombres, moins éclatantes » qui laissent entendre néanmoins que l’existence l’emporte. Et c’est « comme tirer une âme de la constellation des organes » dans une reconquête.
Sur « la lumière des tripes », Nomah lève le voile. Il s’est enfoncé en passant du rouge sang à « la blanche ouverture de l’être qui préside aux enfantements et aux figurations » pour de nouveaux accouchements. Sans prétendre épuiser l’indistinction et le chaos, il accorde à l’ »informe » ce que Louis-Combet nomme « l’infinité des compositions de la vie ». Et ce pour permettre de rentrer davantage dans le rêve comme dans la profusion de la nuit originaire de l’être : celle qui enveloppe la création et la protège.
Dans la saisie par le tableau de la chair, quelque chose se produit qui n’est pas de l’ordre du simple point de vue mais qui constitue une sorte de mise en rêve du corps et du rébus qui l’habite par l’œil qui se cherche en lui, comme on disait autrefois que l’âme se cherche dans les miroirs.
C’est pourquoi, chez le peintre mais aussi chez le poète, deux opérations ont donc lieu en même temps : concentration mais aussi ouverture du champ. Avec en plus un effet de réflexion : le regard s’éprend, s’apprend, se surprend, alors que l’œil butinant et virevoltant reste toujours pressé.