[LIVRES – NEWS] LIBR-VACANCE (2)

juillet 19, 2025
in Category: livres reçus, News, UNE
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[LIVRES – NEWS] LIBR-VACANCE (2)

Avant la pause de quelques semaines, pendant lesquelles vous pourrez revenir sur des posts manqués, voici en UNE un sujet dont raffolent les magazines en cette saison – mais traité à la moulinette TXT –, des nouvelles aventures d’Ovaine et une Libr-sélection estivale… Sans oublier une occasion de passer votre été avec Annie ERNAUX…

 

UNE : « Corpus Frichti »

TXT, n° 37 : « Corpus Frichti », été 2025, 132 pages, 10 € ; commander : revue-txt@gmail.com.

En un temps où un livre peut s’écrire « supervisé par une lectrice de sensibilité, grâce à un nouvel algorithme de l’intelligence artificielle Gennaro ®2 – typologie et émotions des personnages, densité des dialogues -, nourrie de Chat GPythie, générée par un encodé, un fils d’espion infiltré de la DGSE, scénariste sur une série à succès » (Erik Wahl, « Sales rêves », p. 113), où trouver du fait-main ? Du côté de TXT, bien entendu, l’ancien comme le nouveau – à condition d’éviter la chute dans le réductionnisme :

« Ce qu’on projette sur le moderne sauce TxT : négatif outré, nihilisme outrancier, pessimisme outrenoir, radicalités fanées, épiphanies forcées pour les bas-instincts, les intestins et leurs productions, gros plans sur les choses de la reproduction, tics typographiques & langagiers grossiers, anti-lyrisme primaire, haine abrutie de la poésie, langues pauvres et usées, voire (pire !) populaires, gags lourds, jeux de lettres et de mots tournants à vide, etc. » (85).

La polémique suite à deux chroniques sur Bébé rose de Jean-Luc Caizergues (Flammarion, 2024), signées par Christian Prigent sur Libr-critique.com et Lambert Castellani sur Sitaudis, permet à la rédaction de rabattre les caquets tout en reprécisant les visées esthétiques : indépendamment des effets de mode et de chapelle, et chacun avec sa poétique singulière, le geste moderne se reconnaît par ce qu’il engendre, un malaise dans l’expression ; et « parce qu’il écrit à contre-concorde, il y a bien du moderne chez Caizergues » (86).

L’édito de ce numéro 37, « Avec ou sans organes ? », s’inscrit d’autant plus dans le prolongement du travail des modernes que l’on se souvient que la revue historique prend pour sujet le corps à deux reprises (n° 23, 1988 : « Travaux en corps » ; n° 20-30, 1992 : « Côté corps, côté jargons »). Toujours très médiatisé, le corps reste un instrument de contrôle social. Le titre de cette nouvelle livraison, « Corpus Frichti », fait écho au carnavalesque d’antan pour nous rappeler qu’il ne sera nullement question ici de nourriture céleste, mais d’un objet de basse consommation cuisiné à toutes les sauces. Nulles pancrailles ici, mais des restes de corps grotesque, une attention au corps féminin… et surtout une attaque contre les cuisines poétiques qui négligent de « travailler le corps du langage ». On ne manquera donc pas les rubriques collectives « #MangerLiser » et « Tuyaux », qui, drôles et caustiques, tournent en dérision le développement personnel et la littérature du care.

 

Votre été 2025 avec Annie Ernaux…

L’écriture imageante d’Annie Ernaux – qui multiplie les descriptions d’image (ekphraseis) – explique en partie que depuis 2008 certaines autosociobiographies ont fait l’objet d’une réécriture filmique. Mais avec Les Années Super 8 il s’agit d’un film réalisé par David Ernaux-Briot à partir d’archives familiales et avec en voix off le texte inédit de sa mère, qui réussit à élargir les perspectives afin d’éviter l’enfermement dans la seule vie intime (ce texte paraîtra chez Gallimard à l’automne 2026). Un « film à trois voix », donc, celles du père (images), de la mère (texte en voix off) et du fils (montage).

En cet été 2025, on lira avec intérêt la publication en ligne d’une journée d’études dirigée par Fanny Cardin et Nathalie Froloff, « Annie Ernaux et Les Années Super 8 : des textes au film », qui analyse les jeux de miroirs avec Les Années et une bonne partie de l’œuvre.

Sommaire : lire 

– Fanny Cardin, « Introduction. Accorder un film à trois voix : Les Années Super 8 ou la partition d’un remontage »

– Élise Hugueny-Léger, « L’invisible des images : effets de mise à distance et constitution d’un récit de transmission dans Les Années Super 8″

– Iringó Cora, « L’écriture filmique et les représentations esthétiques de l’intime dans la création ernalienne »

– Nathalie Froloff, « Dans le livre et hors du livre : Les Années Super 8, un nouveau rapport à l’écriture ? »

– Anne Coudreuse, « Voir les non-dits et récrire sa vie en la voyant filmée »

– Rémi Fontanel, « Des images sonores ou la réanimation cinématographique d’un « temps muet » »

– Frédérique Berthet, « David Ernaux-Briot et la réalisation de Les Années Super 8 : repriser les images et la voix, faire famille »

 

Les nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/

Le loup grêle rappelle aux ovanistes anonymes que, par respect pour les débris d’acariens, Ovaine s’interdit l’aspirateur.

Qui dit qu’ils ne pourraient pas se réincarner comme les ongles, hein ? HEIN ?

Alors, quand une épaisse peau de poussière a tout bien recouvert, elle s’en va quérir nouvelle alcôve…

Une coquille d’escargot expulsé pour cause d’impayé, une mue de crabe parti taper l’incruste sur un plateau de fruits de mer…. ou, tiens, la pipe d’un papi endormi.

Quand il s’éveille, il n’ose aspirer cette fumée inconnue dont les volutes font un tabac à travers la fenêtre.

Tout le quartier assiste à cette féerie drôlement culottée (que le loup grêle hésite à dévoiler…).

*

Un grand vent souffle sur l’Ovanie. Des incendies partout se déclarent.

Le loup tente de les maîtriser à coups de grêlons et postillons mais, volte arrière, Ovaine l’artificière relance la flamme avec son proutadou.

Le Phoenix en personne est en pétard et son croupion cendreux flatule : l’atmosphère est fientastique, ON CROIT RÊVER !

Les médias couvrent le fléau avec de vieilles couvertures mitées qui cocottent le caca.

L’IA, au travers, voudrait bouter Ovaine hors de ses visions…

Mais Ovaine broute tout sur son passage, y compris les trous de mites pour en faire sa folie naturelle.

 

Libr-5 (printemps-été 2025) /FT/ 

Julien BLAINE, Soup Julienne, Redfoxpress, collection de poésie visuelle « C’est mon dada », n° 215, 44 pages, 15 € ; avec Francesca Caruana, Profil ou face ? Le contraire de l’origine, éditions Paraules, 66 pages, 17 €.

Recyclez des images anciennes avec un pochoir et des pâtes alphabet – « lettres récupérées avant d’être consommées en consommé » –, et vous obtenez un livret de pochades haut en couleurs… Avec l’artiste-plasticienne Francesca Caruana, en ces temps où trônent les obsédés des origines et de l’identité, il se pose la question « C’est quoi le contraire de l’origine ? » Puisque « l’origine est partout », en textes et en images, nous sommes invités à un parcours de O à Q…

Vingt ans après avoir renoncé à la performance, Julien Blaine demeure très performant, bataillant sur tous les fronts avec une grande inventivité !

Yves CHARNET, Abattis, préface de Laurent Roth, Tarabuste, 302 pages, 20 €.

C’est Quignard qui permet de comprendre le titre dans l’exergue : « Rodin quand il s’adressait à Rilke, à Meudon, en 1902, ne disait pas fragments mais abattis« . D’emblée l’auteur parle de « hantologie (pour un autoportrait en citations)« . Et Laurent Roth de préciser : « il s’agit de redonner au commun les citations / de redonner au commun des mortels / le commun de la littérature ». Le résultat est une vivifiante déambulation capricante de noms communs en noms propres.

L’Intranquille, revue semestrielle publiée par L’Atelier de l’agneau, n° 28, mars-octobre 2025, 90 pages, 20 €.

Cette livraison vaut surtout pour ses traductions (Tom Raworth par Caroline Andriot-Saillant et Astrid Haerens par Jan Mysjkin) et ses écritures expérimentales : poésie visuelle (Elisabeth Morcellet, Patricia Favreau, Céline de Saër, Louis-Michel de Vaulchier, Stéphane Lempereur) et agencements répétitifs / critiques (Thomas D. Lamouroux, Jérôme Gontier, Alexis Audren, Clélie Lecuelle, Béatrice Mauri, Christian Cavaillé)…

Le cas Lambert, édité par Sophie Saulnier, éditions Le Lampadaire, 302 pages, 48 €.

Connaissiez-vous l’existence, dans l’œuvre de Balzac, de « l’histoire à peine romancée d’un dément précoce » ? Dans ce volume grand format qui ne peut que réjouir tout lettré, la réédition élégante de Louis Lambert (1832) précède un riche dossier abondamment illustré sur écriture, hallucinations et médecine mentale.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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