[Livre] Alain Cressan, Jeux, par Bruno Fern

[Livre] Alain Cressan, Jeux, par Bruno Fern

décembre 10, 2011
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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Alain Cressan, éditions Contrat Maint, octobre 2011, prix à voir sur le site de l’éditeur : contrat maint: Où trouver contrat maint [Alain Cressan a publié poésie et essais dans plusieurs revues dont Ligne 13, Pension Victoria et Action Poétique. Il dirige la très discrète collection lnk.

Présentés sous la forme caractéristique aux ouvrages de cet éditeur, voici sept textes qui comptent chacun un nombre de vers égal à celui d’un sonnet (jeu beaucoup plus ancien), le premier exposant les règles appliquées ici et les six autres pouvant être considérés comme autant de parties jouées.

Le simon (c’est son nom et le prénom du dédicataire) se joue en associant couleur et son et je dirais même plus en les confondant (« Ce son est cette couleur »), ce qui provoque – à chacun sa madeleine et ses correspondances – une série d’effets liés à la mémoire, le lecteur y reconnaissant plus ou moins distinctement des paysages, voire des scènes qui s’y déroulent (promenade sur une digue, en forêt, etc.). En outre sont régulièrement mentionnées des formes géométriques qui, peut-être, évoquent celles des cases ou du cadre dudit jeu.

Donc une synesthésie fondamentale qui, allant du jaune au blanc, sert d’élément déclencheur, les six parties commençant toutes de la même façon : « [couleur] tu pousses un(e) … ». A la suite, le texte déploie sa stratégie en vers dominés par des enjambements qu’interdisent les règlements classiques (ce qui donne une impression générale d’engrenages où il y aurait justement du jeu) et diverses entorses syntaxiques, souvent dues à un mélange des différentes strates du discours :

(…) un chemin cul-de-sac polar sans
Intrigue un truc ouf avec des expressions
Anglaises laisse courir la langue le bi-
Tume n’allons nulle part place carré il y a
Là non un bar ou tu c’est ailleurs crois
Flâne faire les midinettes lourdes

Au fil de la lecture, on s’amuse plus d’une fois (ce qui est la moindre des choses pour des jeux), même si, comme le savent les enfants, il faut cependant prendre tout ça suffisamment au sérieux :

(…) le lézard brillant étonne fuit
Rapide comme l’éclair l’idée se carapate
Disait quoi rien sans conversation blague à
Part on entendrait voler une mouche gobée (…).

En effet, qui joue accepte, du moins théoriquement, de perdre (en particulier ce qui émerge brusquement du passé puis a tendance à filer entre les doigts, n’y laissant qu’un bout de sa queue) et l’auteur, loin de prétendre que l’écriture parviendrait à restituer l’intégralité ou l’essence du souvenir, ne cache pas le fait qu’il lui arrive de rater sa cible :

(…) Speed trop rapide le geste ne su-
Ffit plus se perd dans la mémoire
Un trou un blanc un son dégradé
Merde reprend une deuxième fois
Chaviré hop mouvement de la main
Du souvenir mouvance ploc tombe
Sur un os coup pour rien game over

– mais, pour autant,  il n’en fait pas tout un drame élégiaque, sachant que du coup il peut espérer en toucher une autre (de cible) que celle apparemment visée, la preuve de cette réussite-là étant constituée par le texte lui-même.

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rédaction

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