Sebastian Dicenaire, Dernières Nouvelles de l’Avenir, éd. Atelier de l’agneau, coll. « Architextes », septembre 2013, 81 pages, 15 €, ISBN : 978-2-930440-66-8.
Dans son livre Dernières Nouvelles de l’Avenir, Sebastian Dicenaire propose un ensemble de textes qui relève à la fois du récit d’anticipation et de la dénonciation sociale (dystopie), offrant une vision acerbe d’un monde contemporain sur un mode critique et parodique.
C’est une saisissante approche du réel que révèle ici Sebastian Dicenaire, un travail d’observation méticuleux du monde, une description d’un système à travers le prisme de la dissection et de la loupe, en même temps qu’un panorama plus global, une vision d’ensemble. Le travail poétique opéré sur la langue repose sur ce qui semble le prélèvement de fragments langagiers appartenant à des registres, domaines différents (technique, scientifique, journalistique, médiatique…), que l’auteur agence dans de surprenantes associations créant collisions de notions, expressions, formules, dépêches, les détournant ainsi de leur ancrage habituel. Le discours ainsi traversé par ce foisonnement d’emprunts dissonants est rendu avec un humour omniprésent.
La vision globale de son Brave new world est impitoyable.
Le titre prédictif du livre n’entache en rien la dénonciation d’un système actuel à laquelle il procède. La réalité parallèle à la nôtre ainsi dressée lui ressemble étrangement dans une approche radicale. Les différentes composantes et données qui structurent notre société sont présentes. Tout y est. L’ensemble des préoccupations et des marques de notre époque : nouvelles technologies, biotechnologie, génétique, nucléaire, interventions militaires avec « frappes chirurgicales », le tout spectacle, la télévision, les réseaux sociaux, la publicité avec l’intervention également de personnages emblématiques (dalaï-lama, pape) ainsi que les organismes (ONU, contrôle sanitaire, services de police, etc.), l’abandon de valeurs consubstantielle à la logique commerciale (il n’est pas jusqu’à la métaphysique qui ne soit contaminée, devenue commerciale), ce qui participe à l’élaboration d’une société où règne un capitalisme exacerbé. Dans ce monde radical, investi par nos réalités, les codes barres qui régissent l’identification de nos marchandises mises en circulation sont ainsi portés par des êtres humains. La poésie, quant à elle, réduite, ne survit que sous la forme d’une science divinatoire officielle : la « potentiologie » ou « l’art d’explorer les possibles par le langage ». L’intervention de la poésie se fait dans la section centrale du livre. Schémas, croquis, textes manuscrits comme à la craie sur tableau noir argumentent le propos. La parodie d’un exposé scientifique frontal, d’une argumentation, permet de redéfinir la poésie et de la resituer dans son travail de combinaison des éléments de la langue.
Si le texte tient à lui seul, brillant dans son déroulé et son travail d’écriture combinatoire, avec beaucoup d’humour, une partie peut être également entendue performée, parallèlement au livre (sur le site de l’auteur notamment).