[Livre] Hubert Lucot, Le Noyau de toute chose

[Livre] Hubert Lucot, Le Noyau de toute chose

janvier 25, 2011
in Category: Livres reçus, UNE
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Hubert LUCOT, Le Noyau de toute chose, P.O.L, fin novembre 2010, 256 pages, 18 €, ISBN : 978-2-8180-0637-5.

Dans cette somme réflexive, à 75 ans et plus d’un demi-siècle d’écriture, Hubert Lucot nous offre une vision assez captivante de sa trajectoire comme du monde actuel. [La note de lecture est suivie d’un petit abécédaire].

Présentation éditoriale

Quatrième de couverture. "Un homme s’interroge sur sa production de textes pendant plus d’un demi-siècle, sur la mort, sur les tragédies planétaires. Narrant le présent riche de mille passés, il observe la condensation d’énergie qui crée toute chose."

Site POL. "Le noyau de toute chose, peut-être est-ce, au fond, depuis toujours et de livre en livre, ce que ne cesse de chercher Hubert Lucot, avec cette manière inimitable de considérer la réalité à la fois dans son espace et dans son temps, le plus objectivement possible, sous toutes ses coutures, mais aussi dans l’espace et le temps de l’auteur, profondément subjectifs, eux, et de ce fait, engagés. Il y a là une tentative sans cesse reconduite d’atteindre à la coïncidence et à la simultanéité par le moyen d’une phrase qui sait à la fois enrober, envelopper, mais sait aussi rompre, casser, comme s’il s’agissait de pénétrer au cœur du monde et d’en exposer les éléments palpitants."

Note de lecture

"Mon goût pour le PRÉCAIRE est l’amour du vrai" (p. 238).

Après une vie passée à écrire, Hubert Lucot éprouve le besoin de faire le point : doit-il cesser d’écrire "dans une société et sur une planète dont la ruine a plus d’importance que [ses] réussites esthétiques" (p. 213) ? En quoi réside le noyau d’une œuvre qui a évolué vers la prose-poésie après le renoncement au roman : "le noyau de mon œuvre est une incapacité que ne possèdent les autres écrivains ?" Et de préciser : "l’impossibilité de décrire et de raconter normalement, de voir les choses en entier" (52)… Le texte rend compte du titre à plusieurs reprises : son écriture vise le noyau ontologique du Moi comme du monde.

 

Tournant en dérision le désintérêt de la critique pour son œuvre, dans ses onze sections journalières (de janvier 2008 à février 2009 : "D’où viennent les idées ?", "Blancheur, circuits", "Voyage dans le Languedoc, travelling dans Paris", "Jo et Jim", "Mes ruées vers l’Ouest", "L’été, la Crise", "La petite feuille, des zigzags", "Les Blockhaus", "Ruades, ruées, répétées", "Marseille, Bonus" et "Dans la ville close"), il revient non seulement sur son activité d’écrivain, mais encore s’adonne à l’auto-interprétation des rêves, nous apprend le nom d’une nouvelle maladie (la sarkose), fustige le "médiatiquement sympathique" (126), s’en prend à la "Sosotte Parisot" – "un nom et un petit bout de nez piquants, des cheveux ras, un maintien de collégienne chrétienne ou de secrétaire de direction" (26 et 125) –, nous livre ses interrogations : "Comment penser l’invraisemblable ?" (191), "Vivons-nous déjà dans une ère post-nouvelle peu différente de l’ancienne ?" (212)… Parmi d’autres anecdotes, retenons celle-ci : à "un garçonnet de 5 ou 6 ans, blond, yeux bleus", qui lui demande tout de go "Pourquoi tu es vieux ?", malgré sa "honte douloureuse", il lui répond "Parce que je ne suis pas mort" (60)…

 

Le regard d’Hubert Lucot sur notre monde est si aigu que l’on a envie de terminer par un petit abécédaire.

Petit abécédaire…

Automobilistes : "les tortionnaires de la planète" (127).

Chine/USA : "Les Américains ont imposé au monde la Vérité Ultralibérale, venue d’en haut, les Asiatiques imposent depuis le bas le travail permanent" (146).

Patronat : "la tragédie, ce n’est pas que les chefs économiques prélèvent des revenus colossaux mais que ce fait minuscule dicte leur action" (178).

Politique : "La vie politique est un roman" (155).

Positivité : "[…] laïcité positive : imprégnée de religiosité. Écologie positive : on pollue raisonnablement. Pensée positive selon Johnny Hallyday : le peuple respecte les riches" (142).

Progrès : "Le progrès, dont On croit qu’il sert à tous (d’une façon inégale, vélo contre Rolls-Royce), accroît la domination, voue toujours davantage les dominés au précaire" (108).

"On a nommé progrès la concentration économico-financière, souvent destructrice d’emplois" (130).

Religion : "Il n’y a qu’une religion, celle de l’argent et de la guerre, de l’action (ENTREPRENDRE) et de la propagande" (10).

Terroristes : "Je propose de ficher 960 millions de terroristes en puissance" (144).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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