[Libr-relecture] Boris Wolowiec, Nuages, par Christophe Stolowicki

février 19, 2020
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Libr-relecture] Boris Wolowiec, Nuages, par Christophe Stolowicki

Boris Wolowiec, Nuages, Le Cadran ligné, 48 pages, 10 €, 2014, ISBN : 978-2-9543696-1-7.

 

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? – Ni père ni mère, ni amis ni patrie, ni beauté ni or mais les nuages … les nuages qui passent … là-bas … là-bas … les merveilleux nuages !

Soit, après un siècle et demi : « Nuages, géants, gisants, métamorphose, joie, vulnérabilité, extase, candeur, lenteur […] envol, silence, vent, insinuation, aisance, inouï, inconnu, imminence, sac, cinéma, âge, jusqu’à, somnambule […] beaucoup, beaucoup blanc […] gris blanc, trampoline […] orgie, aura, orgie d’auras […] coma, immortalité, aujourd’hui, coma de l’immortalité […] embrasser, boire embrasser, nager, nager le ciel, nager le silence du ciel […] démesure de la clandestinité, neiger, neiger la démesure de la clandestinité […] azurage […] innocence du gris […] nimbes, béance, nimbes béants […] transposer reposer, transposer reposer l’espace jusqu’à la blancheur du temps. »

Où le poète citadin appose en fluide prose son baiser de chat sur la langue saisie au vif d’un genre radicalement nouveau ou presque, l’antipoète ermite musse, mousse, masse, amasse et met en place une hoquetante combinatoire qui d’anaphore en épistrophe happe tout ce qu’un test de Rorschach, au « vide anthropomorphe des apparences », décape et estampille, escarpolette de bénignité. Jouant de deux trois instruments sur une note unique, un maximalisme de nimbes, parfois de limbes, dévoie la syntaxe en parataxe, transitif et labile.

Quand « les nuages entassent des tourbillons de tendresse à blanc, de tendresse à gris blanc », on entre dans l’ouate de la nébulosité comme on traverse en avion l’épaisseur d’une mer de nuages. L’ « étrange lenteur des nuages […] de leur existence jusqu’à leur apparition » se double d’une vélocité de vif-argent mercuriel sur talents ailés, une dialectique viscérale croise décroise des genoux d’ange. « Les nuages contemplent le ciel à illisible et sauve voix », à claire-voie, en passe à gué d’une impasse plus pensée que sonore dont s’honore le lecteur volontiers abusé. Une cosmologie, une ontologie malmènent démènent l’espace-temps du « destin à tu » à toi.

« Les nuages dénudent la transhumance du ciel. » Les décrire ? Oui mais comme de son corps une courbe, celle de l’espace-temps.

À « bousculades bues », une récurrente commode « amnésie » espace, ajoure une économie tenace de la gravitation, en plus de souvenirs que si j’avais mille ans. La position des nuages sur la planisphère de lit du délit favorise une culture de l’oubli sur fond d’ « immanence », seule astronomie à portée de poète. « Les nuages bégaient les nuances. Les nuages bégaient la démesure. Les nuages bégaient les nuances de la démesure. » La réversibilité exhaustive du lanceur de dés tire pêle-mêle de l’abysse quinte flush et carré d’as, soulier crevé et poissons morts. Paroli de perles en nage huîtrière.

Sur le dos satiné des molles avalanches, une lune triste se livre aux longues pâmoisons. En un siècle et demi, les « avalanches » se sont étoffées d’une dialectique.

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