Le 1er avril, au Bois de la Cambre à Bruxelles (et ce n’est pas un poisson d’avril…), a eu lieu une hallucinante chasse à l’homme (et à la Vénus, on le verra) par la cavalerie de gendarmerie mobile belge, alors qu’une jeunesse nombreuse manifestait contre les restrictions sanitaires en se tenant pacifiquement là, souvent sans masque. C’est que le crime principal, en Europe occidentale, au temps du Coronavirus, semble être devenu « se rassembler dehors à plus de six personnes » (pourquoi six ?), démasqué, pour jouir de l’air printanier. Ce qui aurait semblé absolument impossible il y a encore 15 mois est devenu la norme…
Très vite, sur le réseau Twitter (voir en cliquant ici), on a pu voir des images de cette charge de la jeunesse par la police montée belge, d’une violence symbolique et réelle inouïe. Non contente d’être là avec force chiens, canons à eau et gaz lacrymogènes, ladite cavalerie a réellement chargé la jeunesse, renversant carrément à dessein une jeune Vénus qui était ostensiblement en train de se dénuder sur la grande pelouse du parc, dans une geste de résistance « à la FEMEN ». La violence de la scène est inouïe ; c’est une vision d’horreur.
Tout de suite, je fais le rapprochement avec un célèbre tableau de Sandro Botticelli, Histoire de Nastagio degli Onesti ou « La Chasse infernale » (1482-83, détrempe sur bois, musée du Prado), où l’on voit une Vénus nue poursuivie (chassée) par un chevalier monté à cheval précédé d’un chien de chasse, qu’un livre de Georges Didi-Huberman, Ouvrir Vénus, m’avait fait connaître.
Dans ce livre, le grand historien de l’Art français nous montrait pourquoi l’image de la nudité avait toujours formé un ensemble impur, inquiet et inquiétant, menacé et menaçant tout à la fois. La nudité offerte, par un mouvement structural, est vite transformée en nuditéouverte, c’est-à-dire ouvrable. C’est-à-dire susceptible d’être chassée. Renversée. Il semble bien que ce soit la nudité de cette jeune femme belge qui ait attiré le sadisme des cavaliers de la police belge : Thanatos, soudainement, se venge d’Éros. La nudité, pour le puritanisme fasciste, est intolérable. « Cachez ce sein que je ne saurais voir… » Cette nudité martyrisée sonne le glas de nos démocraties occidentales, qui n’ont pas résisté à la Terreur sanitaire — d’essence chinoise.
Au fur et à mesure que nous re-visionnons cette « séquence » de « chasse à courre », il nous revient d’autres réminiscences : on se souvient de l’Atlas de Mnémosyne d’Aby Warburg, où l’historien de l’Art allemand procédait, par montage-collision, à montrer la survivance des figures de pathos antiques et païennes, soit dans l’Art de la Renaissance, soit dans l’actualité la plus prosaïque (ainsi, et par exemple, il avait comparé le geste d’une joueuse de golf à la figure de Médée (planche 77). On sait que Warburg pensait que le dépôt dans la mémoire de son Atlas pouvait permettre de réactiver dans le présent, dans certaines circonstances, des événements appartenant à un passé lointain.
C’est ainsi que la charge de la police montée belge nous fait nous ressouvenir d’images d’Artavazd Pelechian, dans Nous, figurant le génocide arménien via l’archive :
Des envies (pressantes) de pogroms ?…
La survivance des images est cet « inconscient du temps » : dans une chorégraphie de gestes fondamentaux, se transmet le pathos. La fertilité des anachronismes remplace le grand récit téléologique des Histoires de l’Art classiques.
Les chiens de la police techno-fasciste 3.0 sont lâchés :
Ce 1er avril 2021, une certaine idée de l’Union Européenne est morte…