Ce temps de vacance est propice à la lecture : plongez-vous donc dans une nouvelle aventure d’Ovaine et trois publications récentes de choix… Mais auparavant, une nouvelle rubrique, des plus libr&critiques : « Néoparlers et mythologies actuelles à la Libr-moulinette… »
Néoparlers et mythologies actuelles à la Libr-moulinette…
En ce temps où le « nouveau monde » annoncé et réalisé ressemble de plus en plus à une dystopie inouïe, entre néo-libéralisme et néo-fascisme, passons à la Libr-moulinette – entre autres, via nos Libr-lectures – les mythologies et néoparlers (traduction de « novlangue » par Josée Kamoun) qui nous traversent et nous structurent…
♦ Noël (extraits de Natyot, Ils, La Boucherie littéraire, été 2021, pp. 23-24) :
« Ils achètent tous le même arbre […]
ils achètent des arbres
mais aussi des cadeaux […]
l’amour qu’ils ont
ils se le prouvent en décembre
c’est le mois de la preuve […]
certains se donnent la mort
parce qu’ils n’ont rien à prouver
les autres se donnent des cadeaux
sous l’arbre maquillé
ils font croire aux enfants que ce ne sont pas eux
qui ont acheté les cadeaux […]
ils sont dans la démesure
pendant plusieurs jours
ils finissent par être écœurés […]. »
♦ Vive-le-naturel (Jean-Claude Hauc, Un arrière-goût de rat, Tinbad, automne 2021, p. 87) :
« Ce respect de la nature que professent végétariens, végétaliens ou vegans me semble relever d’une nouvelle superstition. Il est bien certain que l’homme, l’animal, l’herbe ou la pierre appartiennent à un même tourbillon cosmique. Mais en quoi cela est-il respectable ? Sauf bien sûr à se persuader que la sarabande des atomes est l’œuvre de quelque divinité et possède par là un caractère sacré. »
♦ Résilience (François Bégaudeau, dans A. Burlaud, A. Popelard et G. Rzepski dir., Le Nouveau Monde. Tableau de la France néolibérale, éditions Amsterdam, septembre 2021, p. 1001) :
« Invités à la résilience, nous sommes invités à encaisser l’existant. C’est ici que la résilience n’est pas la résistance mais son contraire : une variante de la soumission. »
◊ CUHEL : Soyez heureux soyez résilients !
Soyez heureux
Soyez résilients
(citation 100% authentique :
en couv’ d’un mag Qlturel).
Pour être heureux soyons réalisses faut résilier sa liberté inappropriée pour s’adapter à l’ordre ultra-libéral qui vous rendra ultra-heureux à coups de spots et de Flash-Ball
qui vous rendra ultra-heureux car il vous donnera tout le sens que vous méritez car vous le valez bien
Parce que vous le voulez bien vous allez résilier votre pauvre petit bonheur banal pour adopter le bonheur libr-anal
celui qui vous fera ressembler à tous les hommes-de-bonne-volonté
parce que n’est-ce pas c’est le Qlot qui paie
celui qui vous fera ressembler à tous les bienfouteurs de l’homonculité
Parce que comme disait Darwin
Résignez-vous !
Résiliez-vous !
Libr-livres reçus
► Olivier APERT, Le Point de voir, éditions Lanskine, novembre 2021, 96 pages, 15€.
Quatrième de couverture. Le point de voir : une cartographie. On y croise la mémoire d’une 404 break, les toilettes du Meurice, la traduction d’un menu à Potsdam, une épitaphe, un vieux chameau désossé, un double, un Docteur improbable qui donne des conseils, trois jeunes filles sur la plage du Racou, la musique : bref tout ce qui nous compose. Et ce tout fait un roman.
[Avec une stimulante réflexion sur poésie, musique et modernité : on lira tout bientôt la chronique de Christophe Stolowicki]
► VIE, éditions Le Grand Souffle, décembre 2021, 190 pages, 15€.
Premières impressions.
« Tout homme doit un jour remonter à la source de ses songes » (p. 110).
« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », dit le poète des Fleurs du mal… Imaginez un monde dans lequel il n’est plus tant question d’hypermnésie et de synesthésie que d’intercepts et d’ensceptres, d’images cinétiques, de « transversale esthésique », ou encore de « dromesthésie par leur mausodorat puissant »… Ce récit éclaté et inventif qui nous donne à voir un monde dans lequel l’homme a les moyens de s’affranchir de ses limites s’inscrit bel et bien dans notre aire culturelle.
► Les Cahiers de Tinbad, n° 12, automne 2021, 128 pages, 16€. [Lire cette présentation pertinente]
[Quelques contributions intéressantes, du talent et de l’esprit critique – mais dont les horizons sont souvent assez éloignés de LIBR-CRITIQUE…]
Les nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/
« LA MORT S’EST ÉVADÉE », lit-on soudain sur tous les écrans. Les poules claquent des dents. Le monde a la chair de poule.
Le loup grêle, à la tête du diabolique Labo Lobo and Lobo, décide d’enrayer cette épidermie et de coincer la Mort.
En douce et blouse blanche, il aspire avec une paille tout le bon jus d’Ovaine durant son sommeil.
Riche alors d’hectolitres d’ovanium, à bord d’une ambulance il asperge à tout va tout ce qui bouge, y compris ce qui ne bouge pas.
La Mort en cavale s’aventure aveuglément au chevet d’Ovaine qu’elle croit partir chez les taupes. Le loup, en embuscade, lui plante alors une overdose d’Ovaine. OLÉ !
La Mort, piquée au vif, rentre au mitard, tandis qu’Ovaine, aux anges, apprend dans le journal qu’elle a survécu à la vie. (Le loup, quant à lui, se pique d’assurer en secret son éternité.)