Annelyse Simao, Changer l’eau du miroir, peintures de Magali Berdaguer, postface d’Alexis Pelletier, Aencrages & Co, coll. « Ecri(peind)re », non paginé, 21 €, 3è trim. 2022, ISBN : 978-2-35439-108-9.
Laquelle, Annelyse Simao ou Magali Berdaguer, a peint ou écrit sur l’autre ? Le maelstrom-œil de couverture remonte jusqu’en oreille-maelstrom, tourbillonnant jusqu’à la note finale d’un œil glauque de son vert-garance. Le flot s’ourle à l’oreille de l’écume des mots. Le flot sourd, source vive. Efflorescence d’une langue. Un éclair a fait jaillir des couleurs sourdes, antinomiques, antitopiques, hantées d’utopie, complémentaires.
« Déplacer son regard intérieur sur une diagonale » ( quatrième de couverture).
Changer l’eau du miroir, celui des petits gestes de la vie ordinaire. Changer l’eau du miroir, déporté le deuil. Changer l’eau du miroir en parlant de soi, fleur coupée de soi, accouplée des autres. Ainsi « chantourner mots flocons fondus déjà sous les pieds ». Ne pas dédaigner l’écriture inclusive. S’allitérer par exception « méninges agitées apaisées apathiques en apitoiement pas pitié des pas pesants portés partout ». Par exception aussi, marteler des rimes. Lucide « très vite ils ne sont plus rien fantôme à cause de solitude gribouillis de notes prises les broyer dans les années posthumes ».
La vie, de son pesant de mots-clefs et de mots ordinaires.
Ce miroir qu’Annelyse Simao nous tend.
Mais qu’elle détend, et quel dommage pour ce titre magnifique associant un geste familier de bonne ménagère à l’écho de générations de poètes. Le tempo n’est pas tenu. Bientôt le livret tourne long de tout ce qui accourt, de féminisme plat bon ton que l’écriture inclusive annonçait (« d’avance Messieurs paisiblement vous reprendrez / le chemin de vos victoires personnelles au plus fort des bourses / pleines vous évincez cruellement // Jusques à quand ces danses torgnoles de ciboulots fêlés / à dominer le monde ») – cela parce qu’un recueil manque de poètes filles (l’inverse aussi fréquent, les hommes devant subvenir au foyer et n’ayant plus le temps de lire). De tout ce qui moutonne, de l’éloge de l’écriture poétique contemporaine sans ponctuation, qui serait d’essence féminine, à la mauvaise humeur de la poète assise à son stand de marché de la poésie près d’une pile de ses livres, mécontente d’être mal lue. D’ondes de raisonnements à la pelle se (dé)moulant en poèmes.
Sa dense danse intense ouvrant une strophe-chapitre n’est pas celle de Rimbaud sur la plage d’Une Saison en enfer, a perdu le rythme d’être saisonnière.
Cependant aucun doute n’est permis. Par son début d’un chef-d’œuvre à deux, c’est la poète qui a nourri la peintre.