. J’écoute l’esprit du paysage se glisser dans la froidure des universaux
. Tout ce que tu aimes te menace comme si d’avance tu en arborais les stigmates de la perte. Tu t’exposes et ce serait presque ta manière de t’abstenir. Ne raisonne pas. Croit converger naturellement vers la vérité. Tu cherches encore la règle de la mise à jour.
. Conception « sans couture ou homogène » du langage,
. D’un chant du cygne on ne fait pas un prélude
. La Providence ne nous laisse jamais tout à fait oublier que nous sommes ici dans une condition d’éducation et d’itinérance dont la nature implique un mélange de bien et de mal.
. La monnaie a perdu la langue à l’intérieur de la langue
. Les mots fleurissent comme de petites empreintes digitales
. L’image me ferme, m’ouvre, me nourrit de graines de grenade. Elle me nourrit de sang
. Je dois faire de cette trace une énigme. Je dois jeter la clé.
. Un rêve adjacent à la ligne, ou l’avant-dernière ligne.
. Quelle mémoire de copies ou de versions t’environnent encore si elles deviennent familières. Avant de les traduire, elles apparaissent comme des traîtres, des étrangères.
. L’image est une traduction lâche de la vision
. Dieu nous punit avec des pointes de langues pour notre infidélité
. Toute « perte » menace l’économie qui fonctionne parfaitement du poème.
. Si un poème est trop esclave de ses sources, il en devient dérivé, une forme d’or des dupes, alors que s’il est trop libre de ces sources, il est souvent considéré par l’establishment littéraire comme incompréhensible : il ne peut être évalué, il n’a aucune valeur. Il a perdu la monnaie de sa langue.
. Enfin, le terme latin « traduction » dérive étymologiquement de translatio « porté à travers », et le terme « métaphore » dérive étymologiquement du grec metaphora, « un transport à travers ». Il est bien évident que ces deux termes ne sont pas les mêmes ; mais si on les traduit, ce sont apparemment les mêmes. C’est en soi une métaphore.
. Comme le soutient Walter Benjamin dans « L’œuvre d’art à l’ère mécanique de la reproduction », la reproductibilité de l’œuvre d’art originale permet la reproduction de corps illimités de l’œuvre originale, qui menacent l’aura de l’original ; l’original n’est plus ce sacro-saint. En fait, ce n’est pas seulement le produit, la copie elle-même, qui menace l’œuvre originale, mais le processus, le fait même ou la révélation que l’original est reproductible – une fois qu’il a été copié, il est révélé qu’il peut être copié , il n’a aucun brevet sur le monadisme – et par conséquent l’original ne détient aucune prétention à la primauté. Il s’avère que l’âme peut aussi procréer ; elle peut aussi attraper le Covid.
. Alors je suis là, à l’intérieur de vous, pollinisé.
. La mémoire, elle est un trou au milieu de ce poème ; il ne peut y avoir de trou dans une allégorie
. Elle a besoin d’une image en son centre comme le paysage a besoin d’une fiction en son centre
. Je peux lire des lettres. Je peux deviner des présences. Je peux toucher presque l’intangible évanescence. Je ne vous dirai pas ce qu’elles disent, c’est un message privé du paysage, une rosée particulière qui coulait sur le front de la vitre
. J’étais imprudent avec ma respiration ; je ne savais pas encore l’intuber.
. Une pente de délicatesse, l’hésitation du fragile et du mouvant.
. Connaissez-vous le son de la dette ?
. Maintenant que tu es entré ici dans nos cauchemars, à travers des vers purs et des tripes : peux-tu me dire où est mon poème ?
. C’est le Où qui peut écraser. Où est le sens ?
. Un poème est peut-être une guerre des devises dans la circulation libre des sens
. Où mettrais-tu un point à cette condition exilique ?
. Vous avez peut-être besoin d’un surmonde. Mais vous n’y croyez pas. Alors on descend. Ou à travers. Et on prend même des accessoires. Des miroirs, des rivières, une branche sauvage.
. Quel portail vers le monde souterrain vous convient le mieux ?
. Je passe ma langue sur mes dents. Une sorte de pré-pensée.
. Ouvrez un onglet. Déposer votre carte de crédit. Je resterais volontiers pour toujours.
. L’évidence d’une positionnalité satirique
. Vous ne le saviez pas, le passage vers l’enfer est un onglet.
. Au lieu d’ouvrir une fenêtre sur le mythe, ouvre-la sur le produit, sur Paypal.
. Dieu est le site vraiment éloigné où notre relation est la plus faible –
. La perte elle-même devient une marchandise, un accessoire de la perte.
. Vous n’êtes pas seul ; il y a les traces fantomatiques.
. Quelque chose prend ma place cela s’appelle une métaphore d’échange signifie transporter un corps dans le poème ou les cadavres de sa traduction
. Hadès et le fantasmagorium
. « Les métaphores sont mortes » : ce que je découvre finalement c’est que ce n’est pas tant que les métaphores sont mortes ni que la métaphore étendue, ou allégorie, est morte, mais plutôt que l’opération de mouvement métaphorique n’est plus unilatérale ni transcendante.
. J’écris un poème dans une langue empoisonnée
. Je massacre le langage. Un étranger m’appelle anti-Orphée.
. S’il y a un trou dans l’allégorie, s’il y a un trou dans la métaphore, alors la poésie est contre même la poésie.
. Là où la poésie est propositionnelle, elle touche et touche à tout ; elle est retenue contre tous.
. Le poème n’offre pas de refuge contre le monde. Il n’y a même pas de surmonde. C’est en quelque sorte une traduction du monde
. Je dis que j’appartiens à n’importe où.
. Je parle de ruines avec le paysage, et du paysage avec les ruines, tu dois être un étranger pour faire de l’art avec les ruines des autres en leurs propres paysages. Et tu me dis là que tu ne peux appartenir aux ruines sans ces paysages, parce que tu saignes étonnement.
. Le poème n’est pas une larme, ni le pleur lui-même, mais la forme d’un œil non inventé
. Tu laisses ton parfum de crypto comme une rivière de blockchain dans mon lit ; tu as une épée royale au-dessus de ton lit.
. Le bas des formes sont des recueils d’azur
. Une floraison crépusculaire est un frisson métallique.
. Chaque seconde, une étincelle. Chaque seconde, un oubli.
. Regarder à l’œil nu, et croire à l’évidence de la vision.
. Fixer l’objet est une expérience musicale
(…)
Sébastien Ecorce
Professeur de neurobiologie, co-responsable du Neurocytolab, Salpetrière,
Icm, bricoleur de mots, créateur graphique, collectionneur.