[Texte] Daniel Pozner, Voleur de mots de peu

juillet 7, 2022
in Category: Création, UNE
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[Texte] Daniel Pozner, Voleur de mots de peu

Voleur de mots de peu, brodeur agile et paresseux, tisse une toile percée d’avance.

Tache blanche, paupière froissée, ourlet à refaire.

Un ton en dessous. Zone à contourner. Hasard des poches incertaines.

*

C’était le gars, à longueur d’interviews il brodait sur le réel s’infiltrant dans ses poèmes. Et le soir à la maison, assis sur un tabouret, ne savait plus que faire, rien, amnésique, dentelle défaite, carte repliée.

Regardait sa fille manger des abricots. Ramassait les noyaux.

Il écoutait, réécoutait cet air de Bach qui tourne en rond sur lui-même. Roues fantasques. Sans parvenir à mettre le doigt sur.

*

Sans dire un mot. Du fond du…

Oh ? Fabrique de glaçons. Mots légers, à peine posés de travers. Ça glisse un peu.

Souffle voilé, souffle perçant échappé du fond du…

Oh ! Oh ! Gars ! T’as fait quoi ? De ton humour ?

Chut !

À 100 mètres de là, t’as encore peur des fourmilions ? Un jet de sable ? Leurs larves, au fond de l’entonnoir qu’elles ont creusé, guettent les faux-pas. Insectes, souvenirs, égarements.

*

Fantômes miniatures cachés dans les objets. Lampe d’acier, pomme de pin, chaussure, cafetière. Les exemples filent sous les meubles comme les moutons.

Des exemples ? Mais on s’en…

Pas d’objection !

On pousse à la roue.

Fantasque, déraisonnable, tout ça sur papier calque, ailleurs je recommence, me mime moi-même.

*

Te voilà l’un de mes compas les plus précis.

Me suis-je éloigné de moi-même ?

Machines débranchées, plateaux russes, aimants de couleur. Miettes de miroirs.

*

Un tourbillon ou un cyclone. Sens dessus-dessous. Là l’œil tapi.

Ramasse impatiemment des reflets des échos, grains de sable, brindilles, jouet qui traîne dans un coin, page ouverte au hasard. Par exemple.

J’avais dit pas d’exemple !

*

Les dés d’une journée nouvelle.

Le ressort d’un cœur d’enfant.

La cuillère qui tourne dans la tasse de café.

Cette manivelle, là devant, dont j’ignore l’usage.

Cette maison de passage.

Ce tamis avec lequel, eh eh, on ne sait jamais quoi jeter quoi garder.

Irai-je jusqu’au bout de la page sans biffer ?

*

Trois gouttes. Un mégot. Quelques mots.

On pousse à la porte.

Un seul à la fois.

Voilà, voilà.

Le bon sens et le mauvais goût sont partis valser. Au grand bal des petites choses.

Fleuve étale emporte poussières.

Suffit de lever les yeux, une minute.

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