Mouvement n° 4
J’ai été affecté d’office au service des maltraitances, 3e sous-sol. Bizarre. En cuisine, à l’économat, j’aurais pu faire des étincelles, ou à l’infirmerie ; sirops, piqûres, laxatifs, somnifères, je connais. Mais Dick Simour a dit : Maltraitances, et dépêchons ! OK Dick, on y va, j’ai dit. Obéir au sélectionneur : pas le choix. Et faire du mal (coller des baffes, infliger des souffrances, etc.) pouvait bien après tout être dans mes cordes puisque Dick, supposé infaillible, m’avait pressenti bon pour ça. Le 3e sous-sol, béton nu, éclairage au néon, était constitué d’alcôves se succédant de part et d’autre d’un large couloir central. Confort rustique : des bancs, quelques paillasses, douches froides, wc turcs. Une 30taine de masochistes en attente de soins vivaient là, hommes et femmes en perdition, à moitié fous, auxquels j’étais censé faire des misères pour qu’ils aient de la joie. Je ne suis pas sadique dplg mais j’apprends vite. Il y a sur Internet un grand choix de tutoriels cruauté : ça va de mal à une mouche à jusqu’à ce que mort s’en suive. En quelques clics, n’importe quel zozo peut devenir un tortionnaire qualifié : moi aussi (Dick avait vu juste). En dix jours, je suis passé maître et les masos rendus à leurs douleurs et euphoriques ont plébiscité ma présence auprès d’eux. Chacun en a eu pour sa gueule, et au 3e sous-sol, ça criait, ça gémissait de bonheur dans tous les coins, on flirtait à mort avec l’extase permanente. Ah, les braves masos, comme ils m’adoraient ! Trop, peut-être. Dick est venu inspecter mon travail. Ça a été du vite vu. Promotion ! il a dit. J’ai renâclé. Euh, non merci ; ou alors aux cuisines ? Il est resté maître du jeu : 4e sous-sol, service des interrogatoires, promo immédiate. Allez go, on y va ! OK. J’y vais. Merci Dick. Et je suis descendu au 4.