Rémi CHECCHETTO, Tout l’univers, éditions de l’Attente, Bordeaux, février 2022, 392 pages, 24 €, ISBN : 978-2-493426-02-4.
Le titre – tout un programme ! – ne manque pas d’attirer l’attention des plus de quarante ans essentiellement, puisqu’elle renvoie à une fameuse encyclopédie qui a connu ses trente glorieuses dans la seconde moitié du siècle dernier, laquelle est évoquée par François Bon dans son Autobiographie des objets citée en exergue : « l’énoncé des thèmes dépliait le réel, en quelque point qu’il le touche, histoire et archéologie, guerres et monde contemporain, physique et chimie, vie des savants – et bien sûr l’astrophysique et la conquête de l’espace. »
Car, selon une doxa réaliste et intellectualiste que le facétieux écrivain tourne en dérision dans un chapeau duchampien, c’est bel et bien tout l’univers qui se trouve dans les livres… Rien de moins que cela. D’un coup de baguette magique, l’auteur démiurge reproduit le monde, nous donne à voir le Réel. D’où la référence ironique au fameux miroir stendhalien dans l’entrée « Écrivain » : « Et donc récapitulons : on promène un miroir bien astiqué et très commode le long des chemins, même si c’est dans la cuisine, on promène un miroir. On l’emporte avec soi sans la moindre sentimentalité pour son nombril, tous les matins regard bien lavé de nous avec un gant de toilette généreusement savonné, intelligemment parfumé, et ce n’est pas du tout miroir mon beau miroir et blablabla » (p. 117).
Sauf que… « Ah là là la vraisemblance ! Qui, l’air de rien, fait comme si. Fait du toc, du stuc. Du troc, des trucs. En lieu et place. Fait ce qu’elle peut. Fait aussi ce qu’elle veut. N’en fait qu’à sa tête. Ajoute, soustrait, tait. Enjolive, enlaidit. Associe, métaphore, métamorphose » (p. 14). L’inventaire du Réel-en-mots – de « A cappella » à « Zut » – est donc consubstantiel à l’invention. Une invention qui, sans être tributaire de l’objeu pongien, se révèle ingénieuse, fantasque, géniale. Un exemple de ce que, dans cette perspective, on peut appeler l’être-oh. Si l’on accepte le postulat que quiconque s’avère une « bonne pâte » est un gruyère, alors on met le doigt dans un drôle d’engrenage… Le poète nous entraîne en effet dans un labyrinthe ontologique à sa façon : « On sait le vide de l’autre. On remplit le vide de l’autre. On le remplit avec le gruyère qui est autour du trou dans le gruyère. On est dans l’autre. On est dans le vide de l’autre. Dans le manque de l’autre. On est dans ce que l’autre peut attraper de nous pour mettre dans son vide » (p. 162)…
La fantaisie poétique de Rémi Checchetto nous emporte dans des tourbillons verbaux pour nous plonger dans un imaginaire plus ou moins loufoque, sans oublier de s’attaquer aux idées reçues : il s’insinue dans les discours ambiants, les troue, les détourne, les relie et délie, les revitalise. Ainsi en est-il de l’écrivain : bien sûr qu’il « se cherche, même qu’il ferait très bien d’aller voir le lecteur pour de plus amples renseignements complémentaires » (p. 195). Sauf que ce lecteur, au lieu de le prendre de haut, fait Oh.