[NEWS] News du dimanche

janvier 15, 2023
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[NEWS] News du dimanche

Après la UNE signée Claude Minière, une sélection de Livres reçus, nos Libr-événements (avec une spéciale Jean-Michel Espitallier) et de Nouvelles Aventures d’Ovaine pour bien commencer 2023…

 

UNE : Vœux pour une église ou non /Claude Minière/

Les vœux que je formerais pour 2023 concernent l’église.  D’abord, je fais le vœu que la littérature continue de ne point constituer une église (elle a cependant ses clercs).  Par ailleurs, je souhaiterais que l’église chrétienne – qui a son rôle à jouer en Ukraine – ne soit pas dévoyée par les nationalismes.  L’église orthodoxe ukrainienne, comme la russe, est conduite à prendre le parti de « son peuple » : elle appelle à la victoire, non à la paix.  On se souvient que, par le passé, l’église gallicane se rangeait derrière le roi Henri II contre la papauté.  Aujourd’hui l’église catholique, depuis Rome, est la seule à condamner une désastreuse guerre dans laquelle les valeurs de civilisation sont piétinées (il n’est pas exagéré de dénoncer la barbarie, la « débauche », de Poutine).

Libr-livres reçus

Maître Eckart, Du détachement à l’anéantissement (sermons classés), éditions Louise Bottu, hiver 2022-23, 94 pages, 13 €.

Julien BLAINE, Tarot. L’Arcane XXIII, éditions Paraules, janvier 2023, 100 pages, 15 €.

Samantha BARENDSON, Virgule, éditions de l’Attente, Bordeaux, à paraître le 24 février 2023, 116 pages, 13 €.

► Jean-Philippe CAZIER, Page blanche Alger, Lanskine, en librairie depuis le 12 janvier 2023, 56 pages, 13 €.

Séverine DAUCOURT, Transparaître (encore), éditions Lanskine, sortie prévue le 15 février 2023, 38 pages, 12 €.

 

Libr-événements

► Samedi 21 janvier, 19 h, performance : « Bon Dieu, c’est quoi la guerre sinon tuer des gens ». Avec Kasper Toeplitz. Festival Hors Pistes, Centre Pompidou.

♦ Jean-Michel Espitallier, Tueurs, éditions Inculte, avril 2022, 167 pages, 14,90 €. [Dans la première sélection du grand prix de poésie de la SGDL 2023]

Présentation éditoriale. La guerre n’est ni fraîche ni joyeuse. Jamais. Nulle part. Elle est au contraire ce moment d’ultraviolences et d’actes collectifs ou isolés, innommables. C’est cet innommable que Jean-Michel Espitallier, dans une langue crue, sans affect, froidement descriptive, tente de nommer. En explorant exclusivement le point de vue des tueurs.

Son livre se présente sous la forme d’une succession de scènes, réelles, de tueries, tortures, lynchages, exécutions sommaires intentionnellement non identifiées (pour les débarrasser de tout a priori historique et politique), scènes ponctuées de paroles de tueurs – petites mains ou hauts dignitaires – happés par ce que Günther Anders appelle « la chance de l’inhumanité impunie ». Il apparaît que la légalité, illusoire, et le sentiment d’impunité offerts par le cadre guerrier ou politique défoulent d’inquiétants instincts, d’effroyables jouissances et font céder les constructions culturelles, religieuses, philosophiques, psychologiques qui font de nous des êtres humains. Sauf exception, le tueur n’est pas un psychopathe, c’est monsieur tout-le-monde. C’est chacun de nous. On pense évidemment ici à « la banalité du mal » formulée par Hannah Arendt à l’occasion du procès Eichmann.

Aucune explication, aucune analyse, dans ce livre sans filtre. Juste des actes et des paroles. Comme des images. Mais des images passées dans l’écriture et, pour cette raison, glaçantes. Qui doivent aussi nous interroger sur nos capacités à résister au défoulement de nos ressentiments, de nos colères, de nos haines. À résister à « ça ».

Note de lecture /Fabrice Thumerel/

« Quand je vois des hommes, je vois des tueurs »
(Claude Lanzmann, Le Journal du dimanche, cité p. 8).

Il faut lire Tueurs conformément au présupposé postmoderne : tout texte étant hypertexte ou métatexte, il est réécriture ou commentaire d’autres textes ; d’où la liste des sources à la fin du livre (toute expérience est médiatisée par les livres et films qu’on a médités au point de les faire siens). Au « style » daté a succédé la présentation distanciée de divers documents (photos ou scènes), accompagnés de citations.

Depuis En guerre (Publie.net puis Flammarion), le principe est le même : « À la différence du livre sur la guerre, le livre en guerre capture des morceaux de guerre pour faire livre. » Ça se passe en Europe ou en Syrie ou en Tchétchénie ou en Palestine ou au Cambodge ou Vietnam ou au Rwanda ou en Irak… Cent vignettes ici pour dire l’innommable !

 

Nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/

♦ Soudain Ovaine se retrouve face à face avec la neige, une neige plus blanche que neige dont les flocons affluent en file indienne.
– Dites donc, vous là, l’Immaculée de mes deux, n’auriez pas l’intention de m’gommer par hasard ?
– Bâtarde, qu’elle lui giboule d’une voix glaçante, ôte-toi d’là que j’my mette ou chte scalpe.
Sauf que : Ovaine entend défendre sa place à coups de poudreuse à canon.
La neige commence à avoir les boules car notre héroïne a déjà explosé tout le bas de sa robe sans façon.
Le loup grêle, grelottant comme il faut, raconte ce combat épique à ses petits qui, dans l’émotion, se transforment en sorbets.

 

♦ Revenus de rien en tout et pour tout, Ovaine et Erceval arpentent de conserve le Royaume des Loques.
Ils portent sur le dos leurs destriers tout estropiés et de leurs yeux rouillés tombent des flaques de larmes.
Aux dires de Galaad, leurs aventures furent de la pas franche rigolade. Lisez donc l’Ovénide d’Ovide !
Gueuses, keufs, manantes, moinillonnes déculottées, reinettes déchues, barbus mités, vaches avachies les regardent errer là, dans la lande.
– Quelle heure est-il, Erceval ? balbuce Ovaine. J’ai grande dalle.
– Oh, ma mie, elle tourne comme vautour de mal augure. Il reste des chips ? Du nougat ? (réponse dans un instant)…

… – Les chips et le nougat ont fait leur temps, cousin. Notre havre-sac est à sec.
Erceval et Ovaine sifflotent alors un lai fameux de Chrotin de Troyes pour se donner des airs…
Tout soudain, fétus, feuilles mortes, croûtes, fossiles, transis et transcendants se mettent à danser un branle.
Le loup grêle avec son flageolet s’empresse d’animer la transe. Il se la pète un peu pour une fois.
Rature, le roi des Loques et la reine Gueusenièvre, tout enivrés par le branle, boivent à tirelarigot du vin herbé.
Le pape même se tripapouille la pulpe à ciel ouvert tant le monde est beau à pleurer. (Fin du chapitre).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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