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2 — Salon rouge / Verbatim
Chaque fois que je croise M. Hou, mon voisin du 3e, dans le hall ou les escaliers, il me baragouine une volée d’insultes bizarres : Sank ! Yobé ! Maffe ! Arcidon ! Vlock ! Tripoudin ! Kabi ! Chir ! Fucku ! Galasse ! Ectoffi ! Etc. Puis il s’excuse. Il dit que c’est une maladie et qu’il est soigné pour ça. Je veux bien. Cela dit, à la longue ça me mine. À tel point que je me mets à parler comme lui. Par contagion.
Gladyne, ma fille aînée (16 ans), se plaignait d’avoir le genou droit plus haut que l’autre. Avec le père, on a bien regardé : ça ne sautait pas aux yeux. Un corps parfait, c’est la base du job, disait Glad qui envisageait une carrière porno. Bon, elle a été opérée. Hélas, par un incapable. Elle s’est retrouvée avec toujours un genou plus haut : le gauche, cette fois. Quel gâchis ! Dire qu’elle aurait pu être une star.
Vissane Madda était ma plus proche voisine. Déjà dépressive avant son divorce, pas mieux après, j’avais eu la légèreté de lui conseiller de se mettre à écrire (et elle la faiblesse d’essayer). Elle a bâclé son premier roman (Les Morts de janvier) en cinq mois : il est sorti à la rentrée de septembre et a disparu définitivement en décembre. Le 2 janvier, Vissane s’est suicidée au gaz. Je me sens coupable, un peu.
La revue AVC (sous-titrée poévich & littravur) n’a rien, a priori, de médical. Elle publie des poèmes et des textes de fiction. Je la reçois gracieusement depuis deux ans. J’y jette un œil avant de la déposer dans la salle d’attente. C’est abscons et rébarbatif mais j’aime bien. Je n’ai compris que récemment que ces auteurs étaient des malades aphasiques, et la revue AVC une thérapie. Ça me pose un problème.
La Maison de l’Immobilisme Contemporain a été pendant cinq ans un des plus ambitieux projets de l’agence aZ. J’y ai travaillé tout ce temps. Mais, voilà le hic, la MIC ne s’est pas faite, tout est tombé à l’eau, j’ai fait une dépression, Zargossi m’a virée. Pour moi, l’archi c’est fini. Trop cruel. Que des machos. Je pense à une reconversion dans les arts martiaux, le yoga, le thé, le zen. Faut que je me bouge.