[Chronique] Pierre Gauyat, En plein dans la lucarne (à propos de la réédition de La Lucarne de Jean Meckert)

septembre 18, 2024
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[Chronique] Pierre Gauyat, En plein dans la lucarne (à propos de la réédition de La Lucarne de Jean Meckert)

Jean Meckert, La Lucarne, éditions Joëlle Losfeld, printemps 2024, 256 pages, 16,70 €.

Jean Meckert, L’Ange au combat, éditions Joseph K., 2024, 112 pages, 12,50 €.

 

Patiemment, l’éditrice Joëlle Losfeld réédite les œuvres de Jean Meckert parues dans les années 1940 dans la collection blanche de Gallimard. Qu’elle en soit remerciée.

Avec La Lucarne, elle met à la disposition des admirateurs de Jean Meckert un livre indisponible depuis des décennies. Publié à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en avril 1945, il était devenu très difficile à trouver. Ce n’est certes pas le texte le plus connu de l’auteur, mais il recèle de nombreux points d’intérêt.

Dans ce roman, Meckert nous replonge dans l’ambiance de l’automne 1938 et de l’été 1939, alors que le monde danse au bord du vide, à quelques semaines de la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, à la suite de l’attaque allemande sur la Pologne.

La poussée joyeuse du Front populaire a disparu dans les eaux glacées du calcul égoïste des accords de Munich, le chômage est reparti à la hausse et les tensions sociales sont fortes. C’est dans ce climat qu’Édouard Gallois, comptable au chômage depuis quinze mois, vit de petits boulots et d’expédients qui lui permettent à peine de ne pas sombrer.

Il est marié à Gisèle, une jeune secrétaire qui s’est vite lassée de ce mari peu débrouillard et indécrottable rêveur qui ne fait rien de ses journées si ce n’est le camelot à la sortie des usines Renault de l’île Seguin, sans grand succès.

L’oisiveté forcée d’Edouard l’amène à faire des rencontres dans les milieux militants, comme cette cellule communiste située dans la « zone », la zone non aedificandi, qui s’étend au pied des fortifications enserrant Paris depuis 1844 et que l’armée a abandonnée après 1870, sur laquelle s’est installé un immense bidonville où vivent tous ceux qui, trop misérables, n’ont pas leur place dans la Ville Lumière.

Sa grande idée au « petit chômeur » Edouard, comme l’appelle l’auteur, c’est la grande paix du monde. À l’été 1939, il n’en faut pas plus pour passer pour un dérangé. Sa femme et sa belle-famille ne doutent pas qu’en plus d’être un fainéant, il est devenu fou.

La Lucarne n’est pas sans lien avec les deux premiers romans de Jean Meckert, Les Coups, paru en 1942, et L’Homme au marteau, publié en 1943, qui explorent, eux aussi, les relations tumultueuses d’un couple mal assorti qui se déchire. Mais dans celui-ci, avec une tentative de meurtre, on franchit un cap, c’est le début de la thématique criminelle qui mène tout droit à la mythique collection policière, cette Série noire dont Meckert, sous les traits de John Amila, deviendra l’un des piliers.

La Lucarne n’est pas non plus sans rappeler Viande à brûler de César Fauxbras, qui décrit les affres du chômage, ou le recueil de chroniques, dont il partage le titre, De ma lucarne, d’Henri Calet, lui aussi piéton du Paris populaire.

Le roman connaîtra une suite sous la forme d’une pièce de théâtre, L’Ange au combat, jouée à la Radiodiffusion française, en février 1950 par la troupe de Jean-Louis Barrault. Le texte de la pièce, inédit à ce jour, vient d’être publié par Franck Lhomeau, aux éditions Joseph K.

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