Février voit la parution de livres de premier plan, signés Séverine Daucourt, Christophe Manon et Valère Novarina. On trouvera également d’autres livres et RV à ne pas manquer – notamment avec Christophe FIAT ou des auteurs publiés chez Lanskine.
Pleins feux sur Séverine DAUCOURT
Séverine DAUCOURT, Transparaître (encore), Lanskine, coll. « Les Livres à 5 pattes », en librairie depuis le 9 février 2023, 16 titres (texte + son), 12 €. [Voir « Mature, mature »] Et si vous voulez savoir ce que sont un baladolivre et le spoken pop : ici.
Présentation éditoriale.
Livre, album et spectacle, ‘Transparaître (encore)’ est un projet hybride, littéraire et musical, au carrefour de la pop minimaliste, de l’électro artisanale et du spoken word.
C’est un livre-qui-s’écoute, via un QR Code. Manifeste poétique et sociologique, ode contemporaine au drame féminin, le texte oscille entre mélancolie inquiète et exaspération sociale. Avec la puissance, la liberté, la rage, la drôlerie des mots, avec une apparente douceur qui n’exclut pas l’envie d’en découdre, il exorcise la violence d’être femme, d’être femme et de vieillir.
Ce ‘baladolivre’ fait suite à ‘Transparaître’, publié en 2019 (retirage en 2020) aux éditions LansKine, dont Guillaume Lecaplain dira dans le journal Libération : “C’est un peu le King Kong Théorie version poésie”, plaçant l’autrice Séverine Daucourt aux côtés des portedrapeaux féministes, mais à sa manière. C’est la langue, la langue avant tout qui l’intéresse, fait l’objet de ses obsessions : ‘écriture osée, dosée, frontale et maîtrisée, intime et sensitive’, ‘réserve de mots tenus en laisse’, ‘force énonciative’, ‘texte sans limites, beau, très grand livre d’un genre indéfini’, souligneront les auteurs des recensions.
La version musicale du livre a été réalisée et arrangée par Armelle Pioline (Holden, SuperBravo) et Michel Peteau (Cheval Fou, SuperBravo).
La version scénique a été mise en scène par Patrick Verschueren à La Factorie (27). Elle a été programmée en avant-première à l’Opéra de Lyon en novembre 2021 dans la Carte blanche de Bertrand Belin et Agnès Gayraud (La Féline), à Paris au Hasard Ludique dans l’édition 2021 du Festival Les femmes s’en mêlent, ainsi qu’aux Echappées du Macval en avril 2022.
Point de vue LC. Entre BBW (Big Beautiful Woman) et « mature » ou MILF, sans parler du label « OJE » (Objet de Jeunesse Eternelle), comment être sans transparêtre ? On ne peut que saluer l’é/cri/ture incisive de celle qui se présente comme la « rapporteuse politique du poème : JE M’ENGAGE À FAIRE DURER CE QUE JE SUIS. Je me prépare à ma parure : J’AURAI UNE CARTE DU TENDRE SUR LE VISAGE QUAND LE TEMPS AURA COURU SUR MOI. »
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► Le samedi 18 mars à 19h, à la Maison de la Poésie de Paris : réserver.
Objet sonore poétique militant non identifié, Transparaître (encore) est un « livre-qui-s’écoute » avec un QR Code. La liberté et l’engagement de Séverine Daucourt y sont absolus. D’une voix qui gifle et caresse, elle casse les codes et détourne minutieusement la langue pour se questionner, nous questionner en témoignant avec transparence et droiture du « drame féminin » et notamment du vieillissement. La complexité des relations est au centre de ce projet intense, frontal, parfois violent, jamais trivial.
Sur scène, dans une mise en espace de Patrick Verschueren, la poétesse est entourée à la musique et composition par Armelle Pioline (Holden, SuperBravo) et Michel Peteau (Cheval Fou, SuperBravo), pour ce projet hybride pop, spoken word, rock, pronunciamiento indomptable, intrépide et généreux. Le son est velvetien, mais point de femme fatale pour celle qui fait « la grève du mirage, se sauve la peau et déclare son âge – la cinquantaine – en fête ».
Vient de paraître…
Christophe MANON, Porte du soleil (Extrêmes et lumineux III), Verdier, en librairie depuis le 9 février 2023, 128 pages, 16,50 €.
Présentation éditoriale. Parti à Perugia, Ombrie, Italie, sur les traces de ses ancêtres, le narrateur s’égare, circule en titubant parmi les oeuvres de Giotto, Raphaël, le Pérugin, Pietro Lorenzetti et quelques autres, croisant au passage saints, papes, griffons, anges et martyres. Ce roman en vers est avant tout le récit d’un séjour au pays des morts, sur les modèles de Virgile et de Dante, un voyage intime et sensible à travers un tissu d’oeuvres picturales et littéraires.
Mais toute quête des origines n’est que vanité destinée à la satisfaction des vivants. Il faut savoir laisser les morts tranquilles. » A courir après des fantômes, / aussi familiers soient-ils, / on n’attrape au mieux que du vent. « . Après Pâture de vent (2019), Porte du soleil clôt un cycle amorcé avec Extrêmes et Lumineux (2015).
Point de vue LC. Après deux sublimes proses poétiques, en ce temps d’identitarisme Christophe Manon recourt ironiquement au poème narratif pour dire l’indicible récit-des-racines : « Garder trace, témoigner, mais de quoi ? / Au fond, les chroniques des temps passés / peut-être ne sont écrites que pour confirmer / notre propre sentiment d’existence » (p. 111). Ce qui, comme à son habitude, n’empêche pas l’écriture contemporaine d’entrer en résonance avec les écrits du passé (ici, en l’occurrence, La Divine Comédie de Dante et l’Énéide de Virgile).
À paraître…
Valère NOVARINA, La Clef des langues, P.O.L, en librairie le 23 février 2023, 512 pages, 34 €.
Présentation auctoriale. « Rien n’est plus au secret de la matière, rien n’est plus proche de la vie profonde de la nature, rien n’est plus au cœur de la physique – que le mystère verbal. C’est dans les mots réversibles que notre langue – comme toutes les langues – en sait le plus. Passage, renouveau, mutation, retour, renaissance, métamorphose, naissent d’un faux pas, d’une chute, d’une inversion, passent par la perte de l’équilibre. C’est traversée par le déséquilibre – et comme passant par un pont vide – comme prise en faute, touchant sa limite – que la pensée reprend son élan, dans les rosaces, les rondes et les litanies du drame de la vie. Livre d’un terrassier. De la difficulté d’en sortir indemne, sauf à partir soudain à la recherche du roman perdu. » (V. N.)
Présentation éditoriale. Valère Novarina a conçu ce qu’il appelle un « roman nominaire ». Un grand texte d’appel, de convocation, dans lequel les noms se succèdent, s’interpellent, s’interrogent, se déclinent, s’inventent et se racontent. Noms humains ou déshumains, différentes nominations de Dieu, des espèces, du vivant. Véritable tour de force poétique, la seule litanie des noms crée un univers romanesque et théâtralisé. Où « L’Infini Romancier » concurrence « Le Coureur de Hop », et converse avec « La Femme Octocéphale ». Le texte révèle l’obsession au cœur de cette machine dramatique : « examiner toutes les langues de près, sans en croire un seul mot, regarder chaque passage, les interroger comme des tables de multiplication venues mettre au jour la lettre de trop embusquée dans l’alphabet de je suis. »
Point de vue LC. Valère Novarina écrit au performatif : dire, c’est nommer, et nommer c’est appeler à l’existence. Son nominaire comporte quelque six mille inventions onomastiques ! Le texte s’enrichit d’une série de 635 dessins, dont une partie des 2587 réalisés puis exposés à La Rochelle en 1983.
Libr-5
► Jonathan SWIFT, Modeste proposition… et autres textes, Louise Bottu, février 2023, 92 pages, 9 €.
► Paul Valéry, Cours de poétique : II. Le Langage, la Société, l’Histoire (1940-1945), Gallimard, hiver 2022-2023, 739 pages, 29 €.
► Sereine BERLOTTIER, Avec Kafka, cœur intranquille, éditions Nous, coll. « Disparate », 144 pages, 16 €.
► Claire DUMAY, Il faut que je te parle, éditions des rues et des bois, 78 pages, 14 €.
► Dominique QUÉLEN, Un ramassis, Propos2éditions, février 2023, 72 pages, 13 €.
Libr-événements
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Novarina le syllabique. Plus que jamais peut-être, il apparaît que le « modèle », ce sont les PSAUMES. Au milieu de l’accumulation, la recherche d’une syllabe. Claudel mettait l’emphase sur ce point : « ce long effort en moi vers Toi qui essaye de devenir une syllabe » (traduction du Ps. 85) . Et cette ornementation dans le 135: « Le lecteur est prié de substituer mentalement les mots
que j’ai laissé en blanc et qui n’aboutissent que sur la tétrasyllabe miséricorde à la sonorité. »
En commun (Valère et Claudel), le magnifique et dramatique chantier: « Tu as dit que le ciel est Ton chantier… » (Ps.88).