[NEWS] NEWS DU DIMANCHE

septembre 29, 2024
in Category: livres reçus, News, UNE
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[NEWS] NEWS DU DIMANCHE

En ce dernier dimanche de septembre, on lira attentivement la magnifique UNE de Claude Minière, « Sans pays », avant nos Libr-livres reçus : quatre invitations à méditer très stimulantes. Et pour compléter ce riche programme, des Libr-événements de premier plan…

 

UNE de Claude Minière : Sans pays

Un poème de Friedrich Nietzsche, vraisemblablement écrit en 1884, se termine ainsi :

Les corneilles crient

Et migrent à tire-d’aile vers la ville

– bientôt il va neiger,

Malheur à qui n’a pas de pays !

Prenant appui sur la lecture de ce poème, Martin Heidegger dit que « la privation de pays caractérise la situation de l’homme des temps nouveaux » (Introduction à la philosophie.  Penser et poétiser, in Achèvement de la métaphysique, Gallimard, 2005, traduction de Adéline Froidecourt).  Quand les poètes endurent la privation de pays, ils se « réfugient » dans un pays à eux (l’esthétique, le jeu, l’amour…).  Mais il est évidemment plusieurs manières, et singulières, d’éprouver l’absence de pays.  Certaines sociétés se lancent dans les conquêtes  pour une sorte de renaissance qui surmonterait la perte, certains futuristes pensent aller sur Mars, certains désespérés littéralement « se jettent à l’eau ». Pour comprendre ce qui est général et ce qui est particulier, pour situer « l’homme des temps nouveaux », il sera utile aux poètes de (re)lire Achèvement de la métaphysique.

 

Libr-livres reçus (présentations éditoriales)

► Véronique BERGEN, Moctezuma. Le dernier soleil, Maelström éditions, en librairie depuis le 21 septembre 2024, 160 pages, 15 €.

Comment une civilisation en vient-elle à mourir ? Ce roman choral met en voix la fin de l’empire aztèque, la rencontre de Moctezuma et de Cortés. Rien ne préparait l’univers des dieux, du rêve, des Aztèques, mais aussi des peuples indiens soumis au joug des Aztèques, à rencontrer l’univers de l’Occident qui surgit sous la forme de conquérants mus par la croix du Christ et la soif de l’or. Chronique d’un monde perdu, assassiné, Moctezuma plonge dans les années décisives au cours desquelles un monde bascule dans le néant, à savoir les années 1510-1522. En langue aztèque, on parlera des années Treize-Lapin, Un-Roseau, Trois-Maison… La destruction des civilisations précolombiennes livre une clé des songes permettant de lire les impasses de notre présent.

 

► Christophe ESNAULT, L’Insuccès est-il stimulant ?, Tarmac éditions, septembre 2024, 58 pages, 10 €.

Lauréat du Prix Darmanin d’Or de la poésie, c’est pour lui, auteur de soixante-dix livres, enfin, la consécration. Immédiatement on l’invite chez Radio France pour un entretien fleuve. Mais ça ne se passe pas très bien, on l’oublie et il doit réécrire l’interview qu’il a donné, coincé dans un couloir avec son épaisseur (son corps difforme). Cap au rire.
« Tractopelle : Apprends à le manoeuvrer avant de vouloir défoncer le néolibéralisme. Tu as un crédit formation, utilise-le. » – Extrait de L’insuccès est-il stimulant ?, de Christophe Esnault.
Photographie : Aurélia Bécuwe.

 

► Marina SKALOVA, Intiment [3e personne du pluriel], éditions des Lisières, à paraître en octobre 2024, 60 pages, 12 €.

Intiment [3e personne du pluriel] est une tentative de généalogie : extraire la violence – une violence structurelle, ancrée dans la langue russe entendue depuis la petite enfance – qui a jalonné le parcours d’un personnage féminin. Ressurgissent des phrases, des gestes, des chansons, les particules d’une mémoire intime qui l’ont façonné. Des passages plus documentaires fonctionnent en écho aux scènes consacrées à l’intimité de « tu » – l’ensemble forme un tout, mettant en exergue un système, par-delà les frontières russes.

 

► Cécile Tourneur, Mekas et le cinéma, Quidam éditeur, coll. « Le Cinéma des poètes », en librairie depuis le 13 septembre, 100 pages, 15 €.

Jonas Mekas compose ses premiers poèmes dans la campagne lituanienne, où il est né. Contraint à l’exil en 1944, c’est en Allemagne qu’il publie son premier recueil Idylles de Semeniškiai qui décrit avec lyrisme et précision la vie rurale en Lituanie et le cycle immuable des saisons. Matrice de son œuvre à venir, le rapport à la quotidienneté présent dans toutes les formes de création qu’il va embrasser y trouve son origine. Dix années plus tard, à New York, il devient un ardent défenseur du cinéma indépendant par ses nombreuses critiques écrites pour Film Culture et The Village Voice. La poésie s’impose lorsqu’il essaie, jour après jour, d’appréhender ce nouveau cinéma émergeant, hors des schémas narratifs classiques. En 1969, Jonas Mekas initie une forme cinématographique inédite : le « journal filmé », synthèse d’expérimentations filmiques et d’un héritage poétique personnel et référencé. Le premier opus, Diaries, Notes and Sketches (Also Known as Walden), placé sous l’égide d’Henry David Thoreau, influe à son tour sur son écriture.
Si ses films sont aujourd’hui plébiscités dans le monde entier et son activité de critique reconnue, ses poèmes, qui sont pourtant à la source de son œuvre, restent méconnus hors de la Lituanie. Réhabiliter Jonas Mekas comme une figure poétique majeure permet d’apporter un nouvel éclairage et de reconsidérer, à parts égales, ses différentes pratiques littéraire, critique et cinématographique grâce auxquelles il s’est construit, loin de chez lui, une nouvelle identité à travers l’art et la culture.

 

Libr-événements

► Samedi 5 octobre 2024 à 10hconférence, journée d’étude : LA BEAUTÉ N’AVAIT QU’À BIEN SE TENIR
Journée consacrée à l’œuvre du poète Manuel Joseph (1965-2021)
Justine Huppe, Thomas Hirschhorn, Nathalie Quintane, Christophe Hanna, Christophe Fiat

Programme élaboré en collaboration avec Christophe Fiat.

Le titre de la journée est extrait du livre de Manuel Joseph, Amilka aime Pessoa (P.O.L, 2002)

Le 9 octobre 2021, au Festival Actoral 21, Manuel Joseph faisait sa dernière lecture publique sur une invitation du Cipm (Centre international de poésie Marseille) et de la revue COCKPIT. Quelques semaines plus tard, on apprenait sa disparition.
Cette journée d’étude qui lui est consacrée est un hommage mais surtout un premier travail collectif sur son œuvre majeure et incontournable.

© Photo de Philippe Mangeot pour COCKPIT

En une dizaine de livres, Manuel Joseph a marqué la poésie française par son style nerveux à nul autre pareil et un humour noir, singulier. Sans concession mais toujours délicate, son écriture qui oscille entre le grotesque et le sublime ne cesse de traquer les dérives totalitaires de notre époque tout en malmenant notre bonne conscience.

De Heroes are Heroes (POL 1994) à Aubépine, Hiatus, Kremlin, Netflix & Aqmi ou les Baisetioles (Questions théoriques, 2020), chacune de ses publications y compris en revue a semé le trouble et parfois même, la panique. Répondant coup pour coup à ce monde de collision et de brutalité, Manuel Joseph utilise la langue française comme un projectile dans la ligne droite d’un Baudelaire, d’un Lautréamont ou d’un Antonin Artaud ayant souvent recours aux lettres capitales : « ÉCOUTEZ CE QU’ILS ONT À DIRE CAR ILS L’ONT DIT / ÉCOUTEZ———LÀ-BAS / ÉCOUTEZ——— / ET FINALEMENT NOUS DEVRIONS TOUS PRÊTER ATTENTION ET ÉCOUTER ».

Et à la fin, cette œuvre relève plus de l’auto-défense que de l’attaque : « La beauté n’avait qu’à bien se tenir » nous dit-il aussi dans un murmure à peine audible.

Cette première journée d’étude se propose d’explorer l’œuvre de Manuel Joseph au travers de l’analyse de ces livres et de son lien avec les artistes (Myr Muratet, Jean-Luc Moulène ou Thomas Hirschhorn).

Christophe Fiat et Michaël Batalla

Hommage à Manuel Joseph sur LIBR-CRITIQUE : Christophe Hanna ; Fabrice Thumerel.

 

► Christophe FIAT, Nietzsche, Les Pérégrines, coll. « Icônes » (160 pages, 16,50 €) : en librairie le vendredi 4 octobre ; présentation à la Librairie La Friche, 36 rue Léon Frot, 75011 Paris, le mardi 8 octobre (en présence du directeur de collection, Emmanuel Tibloux).

Voici « un livre multicolore » (p. 56) sur Nietzsche, écrit au galop par l’auteur de La Ritournelle, un livre (d)étonnant qui nous permet, entre autres, de (re)découvrir le versant poétique du philosophe singulier. Qu’on lise un peu ces lignes : « […] après les prêtres ce sont les poètes dont Nietzsche se méfie le plus. Ils ont en commun les uns et les autres d’utiliser la langue comme un outil et ils ne ratent jamais une occasion de nous faire croire que si l’on est sage, on pourra vivre bien et épanoui comme aujourd’hui avec le développement personnel » (p. 58). Voilà une puissance attaque iconoclaste de la part de celui qui se dope au « véritable extrait de viande LIEBIG »… /FT/

 

► On retrouvera du reste la revue COCKPIT (Charlotte Rolland & Christophe Fiat), en dialogue avec DOC(K)S lors du 34e Salon de la revue, du vendredi 11 (20H-22H) au dimanche 13 octobre : programme complet.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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