[Texte] Christophe Esnault, L'art de détruire l'autre - suivi d'un appel à textes

[Texte] Christophe Esnault, L’art de détruire l’autre – suivi d’un appel à textes

juin 18, 2023
in Category: Création, News, UNE
0 1621 23
[Texte] Christophe Esnault, L’art de détruire l’autre – suivi d’un appel à textes

L’art de détruire l’autre – suivi d’un appel à textes

 

Mon cher ami,
Ma chère amie,

Coupez tout contact avec moi. Les diagnostics croisés ne laissent nulle place au doute : je suis un pervers narcissique. Ladite pathologie est souvent poussivement présentée, érodée, très chargée en négativité et injustement décriée par des imbéciles qui ne mesurent rien de ses subtilités et raffinements, mais vous voilà alerté(e). Ne vous croyez pas, vous et vos proches, à l’abri de mes dérèglements sous couvert que je suis depuis des années quelqu’un qui ne vous a presque fait aucun mal. J’attends votre heure. Pour vous détruire. Il m’est nécessaire de poser, d’instaurer un climat d’absolue confiance. Sans quoi vous ne pourriez pas tout me dire de vous, dévoiler des pans entiers de l’intime et me laisser observer et déceler vos fragilités. J’en aurai tant besoin. Un jour prochain. L’art de détruire l’autre est le plus grand des arts. Vous devez aimer et être aimé de votre victime ami. Que serait l’amour sans sa fin tragique ? Sans un dénouement absolument brutal ? Et comment créer la rencontre dans toute sa quintessence sans anéantir l’autre ? Pensez-vous stupidement que l’amour sans sa dose de toute-puissance puisse réellement opérer ? Voyez comme je suis impliqué dans ma relation avec vous. Une chose qui ne pourra pas m’être reprochée est bien celle-là. C’est par jeu et uniquement par jeu que je vous mets en garde. Vous serez assez confiant(e) pour ne pas en tenir compte. Pour me lire en littérateur emmené par un thème tombé entre mes mains innocentes, par pur hasard. Benêts et brèmes, vous êtes. J’en rigole par avance. Je suis patient. Infiniment patient. Vous aurez votre moment de faiblesse qui saura me réveiller, me révéler à ma seule et si peu démoniaque nature. Votre dégringolade psychique, cette chute vertigineuse vers la douleur intime la plus terrible et effroyable de votre existence. Ce sera un cadeau. Inespéré. Vous l’avez lu ailleurs : la vérité est acerbe et il ne saurait y en avoir une autre que. La douleur. Vous êtes si peu vivant(e) et je me souci d’ailleurs bien davantage que vous-même de la place haute du Vivre dans ce simulacre que vous nommez « vie ». C’est avec amour que je vais donc vous emmener au plus intime de la douleur et sans avoir besoin d’user d’un objet perforant les parties de votre corps les plus sensibles et délicates. « Un homme ne souffre jamais plus que ne l’a voulu la nature », je suis du côté de la nature. Ses animaux ont souvent besoin d’une attaque chimique sur le museau ou d’être soumis à une irradiation pour aller un peu plus avant dans la félicité et le déploiement complet de leur être. Ou de ce que je propose en bienfaiteur, sa réplique idoine sous la forme d’une inventivité maléfique. Ces Occidentaux surprotégés et trop loin des gaz sarin et du chlore, ou bien des incidents nucléaires si rares, auront parfois besoin de moi pour goûter à des mondes sensoriels inédits et inestimables. Pour les aider à vivre enfin quelque chose. Qu’espériez-vous d’un splendide représentant d’une espèce invasive ? Un petit câlin ? Quand vous serez interné(e) ou mort(e), je posterai un message émouvant sur les réseaux. Y a-t-il plus infiniment touchant que le cœur palpitant d’une femme éperdument amoureuse prise dans le piège d’un serial lover manipulateur ? Oui, je trouverai. Sans tomber dans la facilité et les manœuvres si bassement répandues. Vous étiez mon ami, ma plus grande amie, et il est difficile d’être à la hauteur et de savoir en toute circonstance être un ami. J’instrumentaliserai votre malheur, votre terreur, pour mieux trouver d’autres amis. Et, entre annonces d’accidents tragiques et textes nécrologiques portés par mon art littéraire et poétique, entre selfies, accolades et autres photographies, je citerai, peut-être, toujours sur le réseau et à la suite de votre chute, Jean-Pierre Martinet et son L’Ombre des forêts : « …mais à quoi servent-ils donc, ceux qui nous entourent, s’ils ne sont pas capables de capter les signaux de détresse muets ? »

Votre seul ami sur la Terre,

Ce texte a été écrit pour l’appel à texte de la revue Dissonances, revue qui fait anonymiser ses textes (bonjour Mathilde) avant de les soumettre à son comité de lecture. Souci, Jean-Marc Flapp, directeur de publication, qui connaît bien mon univers, mon écriture et mon amour pour les textes de Jean-Pierre-Martinet, va me reconnaître à coup sûr, et sans doute défendre le texte, sans pleine neutralité. Place aux jeunes ! Aux auteurs confirmés ou non, et bien sûr, tout autant, à ceux n’ayant jamais publié, qui seront stimulés par le thème : Toxique.

Bises vaporeuses aux amis et sur les ❤️ reflets argentés de mes plus insoupçonnables pathologies. ❤️ Baisers longs de cinéma à ceux de Disso, aux femmes (en pleine confiance) à l’humour délicieux, et aux autres créatures. Écrivez-moi sans attendre, dans la vraie vie, j’ai le poil très doux, passez par un de mes éditeurs qui vous donnera mon CONTACT (Love !).

PS : Un des grands plaisirs sur la Terre est d’être invité(e) à passer un moment à Grand-Maison, où est basée la revue, à Montjean-sur-Loire.

Photographie de Loire par Jean-Marc Flapp, pour vous appâter.

Modalités précises de l’appel à textes sur le site de la revue Dissonances.

, , , ,
Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

Autres articles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *