[CHRONIQUE] Valérie Rouzeau, Vrouz, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

[CHRONIQUE] Valérie Rouzeau, Vrouz, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

avril 11, 2025
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[CHRONIQUE] Valérie Rouzeau, Vrouz, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

Valérie Rouzeau, Vrouz, La Table ronde, coll. « Petite Vermillon » (réédition en format de poche), 176 pages, 7,10 €, 2025.

 

Valérie Rouzeau, née en 1967, a été rendue célèbre par son livre de deuil (de père), Pas revoir, paru en 1999. Grâce à son extrême simplicité sur laquelle il ne faut pas se méprendre, et qui tranche sur son érudition, elle est l’une des poètes authentiques les mieux diffusées du moment, et a publié depuis de nombreux livres, dont Vrouz en 2012, l’un des plus marquants, vient d’être réédité en format poche.

« Bonne qu’à ça ou rien / Je ne sais pas nager pas danser pas conduire / De voiture même petite / Pas coudre pas compter pas me battre pas baiser / Je ne sais pas non plus manger ni cuisiner / (Vais me faire cuire un œuf) / Quant à boire c’est déboires / Mourir impossible présentement / […] d’attendre un seul enfant ». Ainsi débute Vrouz, abréviation dont elle avoue n’être pas l’autrice, Vrouz mieux que vlan, autant en emporte le vent.

S’adressant à ses myriades de sœurs inconnues désarmées, toutefois mieux armées qu’elle, Valérie Rouzeau en porte-à-faux sur la vie, sur l’avis de passage, de partage des eaux à la ligne.

Vers, mais d’autant plus prosaïques, je ne connais rien en prose qui équivaille. Sonnets, est-il annoncé, mais qui ne sonnent de leurs consonnes ni de leurs voyelles ni ne résonnent que du peu de raisonnement enfoui dans notre caboche par des siècles de poésie.

Sonnets de quatorze vers aux strophes compactées, l’envoi abrégé, sautant la ligne de démarcation où l’on pouvait être arrêté, déporté, bon, bref.

Peu de rimes mais appariant « tête » avec « exocet », ou après une longue absence précipitant « nuit » et « détruit » à la rencontre différée de « oui », d’« eau-de-vie » et de « remplie ». Vers libres certes, mais dont la liberté a un prix.

« Le gosse claudique après son père qui marche vite / Il a un sautillement de moineau piaf meurtri / […] Je n’aime pas les enfants plus qu’étoiles anémones / Mais ce môme déjà presque tordu à sept ans […] /M’a donné l’émotion d’un frisson attardé […] / Va-t-il redoubler très bientôt sa CE1 / Se pendre à dix-sept ans à un pont métallique. » Mine de rien si on les mâche tous ces vers sont des alexandrins, et son sonnet résonne en creux sur un point final qui convertit en hypothèse plausible une interrogation.

Elle a su, par une opération alchimique de son for extérieur intériorisant toute chose, à convertir en prose l’alexandrin pour qu’il se garde à jamais de résonner. Elle a raisonné, arraisonné, amorti, étouffé le sonnet en anti-sonnet.

« Mon être de chair aux amours de papier »

Complainte rime avec plinthe qui court le long d’un mur de vie. Compassion avec ration, avec admiration que l’on partage. Convives y sont conviés, convoyés jusqu’à la voirie, la hâve hoirie du peu d’espoir qui rit. Pour faire vrouz il suffit de s’accrocher à la roue.

Combien de vers, de versets capitonnés par la vie ? Valérie Rouzeau en garde mémoire, capitonnée dans ses vers de prose.

 

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