[Chronique] Christophe Esnault, Éclairer à la lampe de poche : Bernard Dilasser, un poète et son écriture

septembre 24, 2025
in Category: chronique, UNE
0 428 12
[Chronique] Christophe Esnault, Éclairer à la lampe de poche : Bernard Dilasser, un poète et son écriture

Drogué à l’espace critique poétique depuis près de quinze ans, je n’avais rien vu passer sur Bernard Dilasser. Il semblerait que l’on puisse écrire sa vie durant et rester loin des radars, invisible, ou à peu près. Le poète commence sa vie d’auteur avec cinq romans à La Différence. Cinq romans aussi chez Tituli qui propose – et avec une belle fidélité et un soutien sans réserve que l’on comprend – son œuvre profuse de poète. Souvent rétif aux romans, depuis que j’en ai lu un ou deux milliers, c’est avec les recueils Fagots de lumière et Blêmes assignats du sang que je rencontre l’écriture de Dilasser.

Ils les ont crevés,
tes coussins,
tels des ballons
qu’on a remplis d’hélium,
tandis que tu veillais
sur ton ignorance
comme d’autres, sur leur progéniture.  

Chez Tituli, ai déjà lu et été frappé par le Syn-t.ex de Mathias Richard, touché par Claude Minière, Pascal Boulanger, Marie-Hélène Archambeau et plusieurs titres de Jacques Kraemer dont son Thomas B. chef d’œuvre absolu – plaquage au sol diabolique – qui compte parmi les trente plus grands textes de ma vie de lecteur ouvert sur la jubilation (texte qui égale ceux de Thomas Bernhard lui-même). Rien que cela ! Mais revenons-en à Bernard Dilasser.

Un énorme rat
a rongé
le bois de ma guitare
tandis que, débouté, j’observais
le tremblement
des carreaux de grès,
dans la cuisine où j’avais divisé
par deux
ma noix cérébrale
En fichant, en son milieu, la lance
d’Antigone.

La visite, très dense et court texte (46 pages), présenté en roman, pourrait être une nouvelle comme on en a lu chez Jude Stéfan, ou un pan du texte chez Bernard Noël ou chez Claude Louis-Combet, les « langueurs ». La narration disparaît sous l’écriture, cette dernière autorise l’histoire, le secret, la révélation, le récit, la perturbation, la pensée tournée vers la poésie et l’incarnation du poète qui s’affranchit d’un roman dont nous n’aurions nul mystère à vivre et à lire s’il n’était – non pas seulement saupoudré – de poésie.

 

Fagots de lumière, Tituli, 2019, 9 €.

Blêmes assignats du sang, Tituli, 2024, 15 €.

La visite, Tituli, 2019, 7 €.

, , , , , ,
librCritique

Autres articles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *