[Chronique] Philippe Jaffeux, De l'abeille au zèbre, par Guillaume Basquin

[Chronique] Philippe Jaffeux, De l’abeille au zèbre, par Guillaume Basquin

mai 13, 2023
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Chronique] Philippe Jaffeux, De l’abeille au zèbre, par Guillaume Basquin

Philippe JAFFEUX, De l’abeille au zèbre, Atelier de l’agneau (33), février 2023, 58 pages, 14 €, ISBN : 978-2-37428-063-9.

Philippe Jaffeux, continue, avec ce nouveau livre publié à l’Atelier de l’agneau, ses exercices de poésie all over. Celui-ci, s’étend sur 26 pages (autant que de lettres de l’alphabet, selon l’obsession formelle du poète), toutes présentées en « belle page ». L’écriture est constituée de 499 phrases simples, aphorismes sans ponctuation, autant que d’animaux trouvés par Jaffeux dans le dictionnaire de sa mémoire, chaque phrase étant séparé de deux ou trois espaces vides, et commençant par une lettre majuscule, ce qui permet de les situer. À la lettre « a » (puisqu’il s’agit d’un bestiaire), on compte 26 animaux dont le nom commence par « a », de « abeille » à « aye » ; logiquement, on se serait attendu à trouver 26×26 noms d’animaux, soit 676 phrases ; mais alors le livre n’aurait pas tenu sur 26 pages, car déjà les animaux en « a » débordent sur la deuxième page à compter d’un « atèle ». En outre, comment trouver 26 noms d’animaux commençant par « z », hormis le « zèbre » ? Connaissez-vous beaucoup de noms d’animaux commençant par « w » ? Du coup, ce livre ressort du casse-tête chinois (on sait que le poète est très féru du Livre des mutations, ou Yi jing), ou d’un origami textuel : comment faire tenir 499 pensées simples sur le monde animal en 26 pages, et pas une de plus, en s’astreignant à ne jamais dépasser 26 occurrences d’une même lettre ?

Que peut ce livre ? Que veut-il ? Il cherche l’aphorisme absolu, qui définirait un animal en une phrase simple — exercice assurément difficile (essayez donc !…). Allons-y voir (dans l’ordre alphabétique) : « La toile d’une araignée architecture l’art de piéger un tableau poussiéreux ». Ou bien : « Un éléphant trompe la pesanteur de sa sagesse avec sa mémoire écrasante » (vous avez mieux ?). Ou encore : « Un biomiméticien plagie une colle inventée par une moule fixée à son rocher » (fi du zoomorphisme !…) Rien n’égalera, jamais, ce pari cosmique : « L’esprit collectif d’une nuée d’étourneauxisole l’envol d’un chaos quantique ». Un aéropage de gendelettres contemporains, qui n’entend rien ni au collectif ni au vol, y perd son latin (de collège)… Mes contemporains n’ont rien entendu de cet appel : « Un canari meurt dans une mine pour protéger des houilleurs d’un coup de grisou ». Pourtant, tout est réglé, comme du papier à musique : « La fourrure d’un vison convoite un cou piégé par une exécution luxuriante ».

Guillaume BASQUIN

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Guillaume Basquin

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