[Chronique] Denis Ferdinande, Combinaisons, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

juillet 21, 2023
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Chronique] Denis Ferdinande, Combinaisons, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

Denis Ferdinande, Combinaisons, Atelier de l’agneau, « Architextes », mai 2023, 198 pages, 23 €, ISBN : 978-2-37428-066-0.

 

Entreprise d’écriture colossale, tumescente, sujet premier, principal unique et multiple, l’écriture, sujet, objet seconds l’écrivain, Combinaisons assemble, démultiplie, démarque, confond et dégage tous les entours et accessoires, tant immatériels que ceux dont la matière obsidionale assiège « (stylo, marque-page, livre, publicité, tampons, etc.) » énumérés en quatrième de couverture.

Couverture sur laquelle un dessin de l’auteur appelle d’emblée le regard : métaphore de principale en quatrième débordant en autant d’yeux inscrits dans leur cercle de lunette ou flamme de bougie qu’il est d’objets (loupes, loupés, loupiotes) et de perspectives à l’œuvre dans l’ouvrage. « Je cite de vous la virgule » court en retour de la quatrième à l’incipit.

« Mezzanine, passage de décennies, et l’écriture relayée, il n’importerait qu’à peine, le corps de ce qui écrit mais les seuls esprits qui traversent, et dictent à l’occasion, il y faut sans doute plus que la main d’un scribe […] suspendant la dictée, description d’arbre, de ciel, et le ruisseau encore, l’enjamber pour cet autre jardin où parvient lointaine encore une plainte, d’un autre jardin ». Aux deux temps de romaines et d’italiques, sans rupture d’intensité, de légèreté.

L’immense qualité de ce livre, écrit pour l’essentiel en sortie de rêve, dans l’éveil de somnolence active qu’il génère, et dont il faut s’être nourri quelque temps pour que sa vertu infuse en nous – son heureuse singularité est l’accord de sa syntaxe, si rompue soit-elle, avec celle du rêve, permettant de répondre à Lacan que l’inconscient est (dé)structuré comme un poème. À cela abonde sa ponctuation émotionnelle respiratoire.

Soit, de frange suspendue en fragment, de truc en truchement, une mise en abyme mais montante, ascendante voire ascensionnelle, et aussi combinatoire que possible. Fragments, rompus, impromptus, interrompus, de rupture certaine avec leur contexte, concassés jusqu’à l’os, lui-même tout en esquilles, en esquives, en embruns. De souffle long et de large mesure, les litanies de celui qui s’attend : « impossible dès lors de s’adresser le moindre mot, le rêve comme averti de cette étrangeté, la confondant afin que s’accepte plus étrange encore, l’ensemble des irréels dont il se sature jusqu’à l’inadmissible qui va sans dire sauf contrordre, vient le contrordre ».

De verset en verset, chacun retroussé d’une virgule, de fragment sur fragment de ce qui se dérobe et entraîne le lecteur toujours plus arrière, ou avant, d’un lancinant envers de soi-même, tel qu’en soi la traduction de français en défroncé l’a figé. Fragments parfois qui s’effrangent, qui s’évasent ou qui s’effilochent, qui fil à fil se désaccordent ou accordent leurs silences – la musique qu’on entend par moments est du John Cage.

« Phrase[s] veuve[s], de syntaxe étirée », « puits sans fond, donnant accès à des nappes anciennes, que l’on croyait asséchées », « embryons d’une pensée à ne pas perdre […] généralement au bord du sommeil, instants le plus propices à de tels surgissements ».

Par brusques retours mallarméens s’éclaircissant la langue et la syntaxe comme d’autres la font clapper.

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