En ce mois de mai très chargé, en UNE : Pleins feux sur le Cycle des exils de Patrick BEURARD-VALDOYE, qui vient de s’achever avec Lamenta des murs et sur lequel porte une Journée d’étude au CIPM le samedi 18 mai, suivie de l’inauguration d’une exposition et d’une performance donnée par celui qui fait partie des voix poétiques majeures d’aujourd’hui.
On terminera par deux autres Libr-événements à noter…
Pleins feux sur le Cycle des exils de Patrick BEURARD-VALDOYE /Fabrice Thumerel/
► Patrick BEURARD-VALDOYE, Lamenta des murs, Flammarion, avril 2024, 358 pages, 24 €. [Lire un extrait sur le site]
Vousêtesfou allons M. Beurard-ValdoyE ,
Fautélaguer Fautsimplifier , Fautréduire
en cendre le plein de mots , Vous ignorez donc
la perspicuité (« diagnostic » d’ « une sorte
de docteur en surplomb », p. 220).
Après Allemandes (MEM/Arte Facts, 1985), Diaire (Al dante, 2000), Mossa (Léo Scheer/Al dante, 2002), La Fugue inachevée (Léo Scheer/Al dante, 2004), Le Narré des îles Schwitters (Al dante, 2007), Gadjo-Migrandt (Flammarion, 2014), Flache d’Europe aimants garde-fous (Flammarion, 2019), voici le huitième et dernier volume du « Cycle des exils », avec toujours plusieurs livres en un : 1. Décantate à Dunkerque ; 2. Artaud, Joyce, Beuys & Illich dans le cerveau d’une Europe beurrée ; 3. Tractatus poeticus de Purgatorio ; 4. Le Narré de la Sauveure ; 5. Tenter le diable sans peindre au mur / d’une couleur qui parle / sans mot dire. Et aussi une habituelle fusion de victimes diverses sur le même ton du lamentum (les soldats de la débâcle de 40, les migrandts de la misère – mot-valise pour migrants / mi-grands (avec le dt infinitésimal de la fonction d’intégration f(t), m’a précisé l’auteur) –, ou encore les 796 enfants enterrés entre 1925 et 1961 dans la terre-linceul du foyer de Tuam en Irlande, et les métallos des chantiers de Dunkerque) : seule la poésie possède cette liberté de cumuler les souffrances et d’établir « l’analogie entre [les] exodes » (p. 81). Et aussi l’art d’amalgamer histoires, Histoire et histoire des arts (la poésie en tête !). Et aussi un véritable capharnaüm de références, de styles et de tons – de formes, en un mot : vers libres, prosépopée, « CYCLE DE CONFS EN VERSETS », narré… Et encore un carnaval de langues & de parlers, dont ces régionalismes : « astheure » (32), « carabistouillé » (70), « camucher » (94)…
Non sans provocation, Patrick le Beurré – « né des terres réfractaires , né d’une loin langue de narré , de paysages ventés aux blessures qui , sans être siennes , similairent » (p. 118) – n’hésite pas à soulever des questions qui fâchent :
faut-il poétiser les camps faire
des ateliers d’écriture pour réfugiés
avec des cadavres exquis en entrée
[…]
serait-ce barbare d’écrire un poème
en pleines petites-Jungle (p. 88).
Ce n’est donc pas un hasard si, dès le n° 144 de la revue Action poétique (automne 1996), Patrick Beurard-Valdoye affirme que les poètes « reprennent leurs responsabilités » et la poésie « réintègre sa fonction dans le champ social ».
L’auteur de Lamenta des murs va jusqu’à avancer que « les poètes devraient fonder […] / un observatoire évaluant dénonçant / les actes de corruption langagière / par les administrateurs de langue ». Il s’agit de dévoiler « d’invisibles / chaînes de langage » qui aliènent les subalternes (p. 90-91). Et de s’attaquer aux « administrateurs de langue » qui « préfèrent DIFFÉRENCIANT à INÉGALITAIRE » :
qui lisent ou écrivent
USAGE PROPORTIONNÉ DE LA FORCE – ÉCOSYSTÈME ISLAMISTE – ACTIONS CONJOINTES – SYSTÈME PAR POINTS UNIVERSELS – PETIT DÉJEUNER DE LA MAJORITÉ – AMPLITUDE HORAIRE – QUARTIER AIRBNBISÉ – DÉTERMINATION TOTALE – COCKTAIL DE MESURES – DÉCUBITUS VENTRAL – CÉDÉTISTES – HOMOGAMIE ENTRE MAGISTRATS – DÉPOSITAIRE DE L’AUTORITÉ – ASSEMBLÉE GÉNÉRALE INTERPRO – DIVERGENCES ENTRE PARTENAIRES SOCIAUX – MONTÉE DES INÉGALITÉS – RETRAIT DE L’ÂGE PIVOT – MARÉE HUMAINE – PAYSAGE SYNDICAL (p. 84-85).
Libr-événements
Création de Séverine Daucourt à partir de textes écrits par des patients en psychiatrie et en pédopsychiatrie d’Ile-de-France, pendant des ateliers d’écriture du Labo des histoires menés par Constance Debré, Yahia Belaskri, Christophe Boltanski et Gary Ghislain.
Quelles sont les aspirations, les drôleries, les rêves, les désillusions et les peines de ceux dont la voix ne passe pas les murs des hôpitaux ? La Maison de la Poésie et le Labo des histoires laissent carte blanche à Séverine Daucourt pour concevoir un objet poétique, scénique et militant à partir des textes d’adultes et d’adolescents en psychiatrie et pédopsychiatrie, accompagnés en ateliers d’écriture pendant plusieurs semaines par Constance Debré, Christophe Boltanski, Yahia Belaskri et Gary Ghislain.
Séverine Daucourt, accompagnée d’Armelle Pioline et de Michel Peteau, propose un spectacle comme un pied de nez aux représentations sociales qui prennent trop restrictivement le patient sous l’angle de sa pathologie et nourrissent la stigmatisation.
À lire – Les Éperdu(e)s, petit précis de psychiatrie poétique, LansKine, 2022.
À écouter – Transparaître (encore), livret inclus 16 titres, Lanskine, collection « Le livre à 5 pattes », 2023.