[Texte] Sébastien Ecorce, Punctum (extraits)

[Texte] Sébastien Ecorce, Punctum (extraits)

janvier 10, 2025
in Category: Création, UNE
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[Texte] Sébastien Ecorce, Punctum (extraits)

. On a tous un professeur de musique pour les mauvaises pensées, sans talent avec son haleine malsaine et ses nombreuses fausses notes, qui vous sifflent à l’oreille sa mélodie de « mauvaise vie ».

 

. La vitesse du gouffre n’est pas celle de la chute.

 

. L’hérétique n’étrangle jamais ses visions. Il les prolonge.

 

. La couleur c’est quand l’artère continue à s’agiter.

 

. Elle aime mettre ses pieds nus dans l’abîme trouble.

 

. Se tenir sur ses pointes.

 

. Elle mange son pain beurré, dans l’angle de la mort, sans miel. Elle est butineuse.

 

. Surgir à l’abrupt.

 

. Il n’y a pas de haut pour moi. C’est encore plus raide.

 

. Entendre le ronflement des prédateurs et apercevoir l’échelle qui monte au bleu.

 

. Sucer la vie d’un fruit.

 

. Écrire c’est un peu voir la neige qui recouvre la forêt d’un linceul scintillant qui nous couvre aussi.

 

. Une sonate sans son. La jouer en tout premier. Ces notations fantomatiques.

 

. Récolter mais ne pas numéroter.

 

. Elle se penche gracieusement pour siroter l’eau noire.

 

. Gracier une hache sur le lac gelé.

 

. Elle s’accroche à la bouée rouge de vie.

 

. L’organe qui tombe dans sa cascade. Ce n’est pas une descente d’organe.

 

. Chamane et sa sauterelle sous l’œil de la lune.

 

. Elle écrit pour désapprendre. Elle n’écrit pas. Elle « geste ». Elle « oublie ».

 

. Savoir. Ne pas savoir. Que la liberté ne veut pas dire écrire à perte des poèmes de droites à gauche.

 

. Des latitudes. Des longitudes. Cette même manière d’écraser, d’empailler. De prendre la liberté.

 

. « On va s’occuper de toi ».

 

. La peau plus claire. Cette perfection.

 

. Le rythme des amoureux rampants.

 

. Ce qui fait tenir. Cette transparence.

 

. La syntaxe impossible à câliner. La plus fine de toutes.

 

. La couleur, ce baiser de forte nuit.

 

. Votre main ne peut se tortiller que comme un stupide serpent.

 

. Son plateau de fruits qu’elle déguste est sa « poignée de main ».

 

. Ce qui équivaut à une lettre, une gifle à bout portant. Un tuyau éclaté logé dans ton crâne.

 

. Il faudrait être assez mendiant pour se faufiler entre les métaphores.

 

. La « motion » des mains. Le théâtre de renversements. La mémoire des scènes. Elles raniment des dépouilles.

 

. Jamais l’instant qui surgit n’a existé.

 

. « La mémoire tend à stabiliser ». Le risque que le couperet tombe.

 

. Eviter les pièges de la mémoire pétrifiante. S’en remettre aux reflets et aux couches à la surface du temps.

 

. Les objets de peu, poussière, accessoire, une fois sur les planches, une fois sur les scènes, se métamorphosent pour briller avec éclat.

 

. Le « trou » sans fond non pas sur la tête. Mais dans la tête. Le trou sans fond d’un temps qui nous dépasse est déjà l’acte premier d’une hybridation. Vous ne pourrez pas arrêter le cours de ce temps. Vous ne pouvez pas le ralentir. Vous ne pouvez que moduler les voies de passage dans le rythme de ces hybridités.

 

. « L’ordre chronologique » lui déplait. Elle veut dérouler le temps. Elle peut toucher au temps.

 

. Avez-vous atteint vos zones grises, toucher la traine des objets devenus anges de cendre ?

 

. Ils ne savent pas. Plonger, c’est sa prière.

 

. Elle nage dans vos oreilles grossières et pisse dans l’espace quand elle est pressée.

 

. Sentir que l’espace cherche à vous déposséder de la notion de jour.

 

. Il n’y a pas plus nu que ces voix dépouillées de leurs épaisseurs.

 

. On n’imprime pas la peur sur les corps, on la fait frissonner comme un fantôme dans la matière de la peinture.

 

. La peinture a toujours trop chaud.

 

. Elle voudrait contrer cette alliance verbale compulsive entre les métaphores.

 

. Que serait une phrase dans l’attente de sa dilution ?

 

. Ce ne sont pas des identités. Ce ne sont pas des entrées, ni des sorties. Ce ne sont pas des extensions. Ce sont des flottements.

 

. L’esprit d’une balise « hors cycle » sur la fonte d’un glacier.

 

. L’esprit est dans une étrange zone, qui n’est même pas le sommeil.

 

. Mais l’esprit s’émancipe au bout de quel bout ?

 

. Le mot est un petit corps faible glissé dans une horloge nucléaire.

 

. Ils veulent des passerelles rembourrées pour le restant de leur vie.

 

. Tout ce que vous avez appris là est vrai, mais pas nécessaire.

 

. Vous croyez ponctuer le cadre de vos hublots.

 

. Ce bourdonnement continu. Ils se raccrochent à leurs spectres. Ils ne savent plus polliniser. Ils sont asservis au temps qui pointe dans le vide.

 

(…)

© En arrière-plan, KUSUMA, 2017

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