[NEWS] NEWS DU DIMANCHE

octobre 26, 2025
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[NEWS] NEWS DU DIMANCHE

En ce dernier dimanche d’octobre, l’actualité est essentiellement poétique, avec le Livre de la semaine, le gros volume du Journal de Prigent, la superbe salve éditoriale d’Al dante et nos Libr-événements

 

Le livre de la semaine :
Vocalités contemporaines. La voix entre poésie et musique (1947-2024)

Laure GAUTHIER et Anne-Christine GOYERE dir., Vocalités contemporaines. La voix entre poésie et musique (1947-2024), Presses Universitaires de Rennes, octobre 2025, 302 pages, 25 €.

Ce volume collectif constitue les Actes d’un colloque dont l’objectif était d’interroger l’émergence récente de nouvelles pratiques vocales et de nouveaux répertoires entre poésie et musique ainsi que de nouvelles collaborations transmédiales. C’était une invitation à repenser la voix, qu’elle émane de la musique vocale d’aujourd’hui, des diverses médiations vocales de la poésie contemporaine, de la performance ou encore de la création radiophonique depuis les années 1950. Quelles tensions, quelles fécondations réciproques animent les pratiques vocales contemporaines entre poésie et musique ? De fait, elles ont fréquemment fait l’objet, notamment au début de la période considérée, de déclarations d’intention distinctes de la part des poètes et des compositeurs. De même, l’analyse de ces vocalités a souvent suivi des chemins épistémologiques séparés, même si parfois, notamment concernant la musique électroacoustique et la voix acousmate, on a pu les étudier conjointement. L’enjeu est désormais de faire dialoguer les disciplines en vue d’une compréhension globale de ces vocalités contemporaines situées à l’intersection des champs de la poésie et de la musique. On s’est également demandé en quoi les vocalités nouvelles, émanant de poètes et de compositeurs associés à d’autres artistes, permettent d’ouvrir la réflexion sur la voix à des questionnements environnementaux écopoétiques et politiques.

 

Introduction de Fabrice Thumerel, « Trans-phonographies contemporaines : sur les audio-poèmes de Sandra Moussempès et les transpoèmes de Laure Gauthier », p. 249-262.

Le dernier demi-siècle a vu, dans le domaine de l’oralité et de la performance poétiques, les médiations vocales dépasser l’antinomie entre poésie écrite et poésie orale, graphocentrisme et phonocentrisme, tout en inventant de nouvelles interactions entre poésie et musique. Dans cet espace poétique en pleine mutation, sans doute parce que trop longtemps et trop souvent encore lyrisme et « écriture féminine » ont été ou sont associés, deux poétesses apparues dans des états du champ différents (années 1990 pour l’une et années 2010 pour l’autre) créent des objets poétiques singuliers qui ressortissent aux expériences transartistiques / transgénériques : bien que leurs horizons culturels divergent, il est possible de faire entrer en résonance leurs pratiques transphonographiques, dans la mesure où elles relèvent d’une oralité auctoriale (la voix de l’auteure comme médiation poétique, transport de l’écrit dans un espace sonore singulier) et que la visée de leur parole est imageante (mimèsis tympanisée). D’où l’importance des arts visuels dans les deux œuvres, et en particulier de la photographie et de l’univers cinématographique.

Dotée d’une double expérience (chant depuis 1984 et poésie depuis 1992), depuis 2010 Sandra Moussempès reprend à son compte l’appellation « audio-poèmes » qu’a inventée Henri Chopin en 1963 – alors que sa pratique remonte à 1956 – pour créer des objets sonores originaux. Quant à Laure Gauthier, qui évolue dans l’espace poétique depuis 2013, elle vient de mettre au point ses transpoèmes, qu’elle définit ainsi : « J’appelle transpoèmes des poèmes transgenres, qui mutent et migrent. Passent d’une rive poétique à l’autre. Ce sont des segments que je prélève de mes textes publiés ou en cours d’écriture et que j’enregistre à l’aide d’un zoom audio ou de mon smartphone dans différentes situations et différents lieux » (Éclectiques cités, Acédie 58, 2021, début non paginé). C’est dire à quel point, en cette époque de révolution ultra-conservatrice, cette poétique du trans-, du passage, de l’aller-vers, cette esthétique de la métamorphose fait prévaloir le devenir sur l’être, le nomadisme sur l’identitarisme.

 

Jean-Claude Pinson a lu et recommande…

Christian PRIGENT, Zapp & zipp 2019-2024, P. O. L., septembre 2025, 734 pages, 29 €.

Tenir un « journal » : zapper d’un sujet à l’autre (salut l’imprévu !) ;
sans s’interdire de zipper les sujets entre eux (coucou les manies !)
(exergue).

PRIGENT tel qu’en lui-même.
PRIGENT à son meilleur.

Un très volumineux journal, où constamment et formidablement ça pense et souvent ça touche, émeut.
« Moins ‘écrit‘ que d’autres de mes livres » (p. 108) ?
Pas sûr. Le tranchant du phrasé est ici constamment et « poétiquement » au travail. Poésie, – « si ‘poésie’ (au-delà des mièvreries sentimentales ou formellement bricolées que ce mot le plus souvent désigne) veut dire effort pour mimer dans le corps même de la langue l’effet d’obscurcissement illuminant que le corps énigmatique du réel oppose à la représentation discursive (essai) ou narrative (roman) » (p. 393).

Jamais ennuyeux, un livre sur tous les sujets. De l’I. A. (p. 413) au marathonien Mimoun (p. 498). Un regard acéré et lucide sur l’époque (« … un monde que je comprends de moins en moins et un moi qui s’y sent de plus en plus inadapté » (525-526).
Un ABC de l’écriture et de la lecture. Pages pénétrantes sur Saint-Simon, Racine (mais oui !), Follain … aussi bien que Guyotat. Des peintres aussi (d’Uccello à Twombly, Baselitz…) et une analyse très éclairante du célèbre « Cri » de Munch (p. 413).

 

Libr-livres reçus : spéciale Al dante

Vincent BROQUA, GAÏAMEN, 64 pages, 17 €.

Retour au chant, mais en langue de truanderie (Liliane Giraudon) – avec un grand écart entre Homère et Melnick (« poète gay de San Francisco »)…

Angelica FREITAS, Un utérus fait la taille d’un poing, 84 pages, 17 €.

Du souffle, de l’engagement et de la provocation dans ces agencements répétitifs qui visent à libérer la femme – laquelle « est une construction » – des discours tout faits…

Jean-Marie GLEIZE, TRNC (reprises & suites), 168 pages, 20 €.

Rien de figé, ça tourbillonne… Cette écriture fragmentaire revendique une esthétique du désordre.

Denise LE DANTEC, ROSA, 40 pages, 15 €.

Une écriture haute en couleur, une poésie visuelle pour saluer celle qui souhaitait « vivre obstinément » et se battait « pour les portes du ciel » (Karl Liebknecht) : Rosa Luxembourg…

Jacques-Henri MICHOT, En lieu & place, 64 pages, 17 €.

En droite ligne de son ABC de la barbarie (1998-2022) et de Comme un fracas (2009), 57 fragments qui offrent des miroitements entre les trois hétéronymes de l’écrivain…

Saïd NOURINE, Le Raï de l’homme approximatif, 112 pages, 15 €.

On aime à déambuler avec cet homme approximatif qui « est une allure / une figure libre en émoi / un excès de zèle une piété chétive »…

Libr-événements

► Vendredi 7 novembre à 20h, Maison de la poésie de Paris : Outrechanter (Éditions La Lettre Volée), une lecture à trois : Laure Gauthier, Séverine Daucourt et Antoine Basile Mouton, composition musicale de Nicolas Repac.
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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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