[Création] Daniel Cabanis, Pas dans la dentelle, saynètes (4/6)

4 — Gueuss homme providentiel

Bianca Saldine / Eau de savon IV / Aquarelle numérique / Coll. Marcel Navas

La surface recourbait. Dessus se formait, qui pschittait aussitôt, une mousse polluée. L’effet-trombe creusait, violant la masse. En clair : sous peu allaient se produire ici de cruelles calamités. On suffoquait déjà les gaz tox. Et il y aurait noyades, des coulées à pic abyssales. Cris, sirènes et gyrophares, stress maximum : chacun de trembler sa peau. Que fait-on si on fait rien ? demande un effaré. Quel devenir peut-on ? pose un autre ahuri. Sûr, un vent cogne fou en rafales, qui bourlingue les sédentaires et menace de vite crever les passifs et les sous-passifs. On crise, on se tutoie sec : la confusion nerfs/neurones est générale. Les urgences pleurent. Gueuss débarque. C’est quoi là, un tel bordel ? il s’enquiert. On lui donne le pouls, flagada; l’état de la langue, sèche-mourante : il a capté : il sera la Providence. Donc il donne le programme : 1- Chats, chiens, tous bestiaux de proximité : euthanasie immédiate. 2 – Idem les vieilles toc-toc, les podagres, les retraités grabataires. 3 – Filles-mères, veufs avec enfants : aux abris. 4 – Députés, bureaucrates, profiteurs, banquiers, pédagogues : qu’on les strangule, et ciao. 5 – Les militaires + policiers, toxicos, taulards, porn-acteurs : tous affectés illico à la défense civile, et du territoire. Gueuss, je dis, tu délires, ce plan ne tient pas la route. Taratata, il fait. Or déjà des opposants murmurent. Qui c’est ce facho-là ? D’où qu’il se sort ? Je louvoie. Gueuss est un ami, urgentiste amateur, il a l’hubris et se croit maître des périls, mais il est inoffensif. Et subitly le décor s’écroule, l’eau pulse, une vague scélérate nous submerge : enfin la catastrophe. Gueuss est à poil : c’est à peine s’il sait nager.

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