Dominique Preschez, Leçons de ténèbres, Tinbad, Paris, en librairie depuis le septembre 2021, 184 pages, 19 €, ISBN : 979-10-96415-39-7.
Preschez – au delà de sa disparition prématurée – dédie ses 14 nouvelles sorte de courts-métrages, à « ses frères au lait d’héroïnes » au corps blessé « projections des communautés de la nuit… beauté du rêve éveillé ». De tels semblables y affrontent des monstres, des fous et des criminels dans des voyages au bout de la nuit, au bout de l’enfer.
Ce sont autant « d’histoires d’une aliénation, de notre malédiction d’écrire ». Chacune histoire s’impose aux lecteurs en une langue aussi maîtrisée qu’en folie là où la nostalgie reste l’idéal de la littérature : mais ici elle n’est possible que dans une progression qui n’a rien de purificatrice mais où la honte n’existe plus pour éviter certaines douleurs à la respiration.
Cette avancée seule la mort de l’auteur en a stoppé la trajectoire. Les textes défilent par une perpétuelle multiplication, une perpétuelle destruction de tout ce qui risquerait d’immobiliser les personnages centraux dans quelque figure déterminée. Si bien que ces textes sont par essence révolutionnaires dans leur alternance d’auto-création et d’auto-négation et une violente manifestation de l’écrivain lui-même saisi sans doute inconsciemment d’une urgence.
Les nouvelles, par delà leur imaginaire fantasmagorique, accomplissent la multiplication de l’auteur dans une écriture de réflexion inventée à mesure qu’elle se crée. D’où l’apparition d’une littérature de l’aveu. S’y reconnaissent certains paysages et situations, mais vus avec un éclairage et un point de vue auxquels nous n’avons pas accès le plus souvent .
L’auteur distord les corps, perce la psyché et renverse le portrait afin d’y joindre l’humour , le mixage des genres et le brouillage des mœurs avec un goût pour le côté noir du psychisme et de la condition humaine. Par le grotesque, le macabre, le monstrueux et le sinistre il s’en joue afin de créer une beauté dysmorphique. Et même si le livre traite – aussi – de l’écriture, celle-ci n’est pas objet pour elle-même .
La littérature témoigne à sa façon du « plus abstrait des arts » (Schopenhauer) qui accompagna Preschez : la musique. Ici c’est celle de bien des silences au sein de rituels barbares . Tout ne cesse de s’y manifester en mouvements où se donnent en partage des révélations de merveilleux mystères et d’austères « vérités » en des couleurs étranges où les héros même bafoués gardent leur dignité.