[News] News du dimanche

juin 16, 2024
in Category: livres reçus, News, UNE
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[News] News du dimanche

« Mon pays me reste en travers de la gorge », écrit l’actrice polonaise Ewa Lipska dans un poème intitulé « Requins » (voir notre sélection de livres reçus)… Dans un contexte bien différent, à cause de ces squales qui menacent nos côtes on peut ressentir la même chose aujourd’hui en France…

En un temps de dérèglement climatique et de perturbations (géo)politiques, où les vents de l’Histoire vont-ils nous emmener ? En un temps de repli derrière les frontières, nos pays-technologiquement-avancés (PTA) craignent de plus en plus une invasion appelée Grand-Remplacement… Mais n’y a-t-il pas d’invasions plus avérées ? Celle d’une marchandisation du monde humain qui vise désormais les cerveaux, de la Technologie Totale qui a réussi « l’atomisation de la société en individu-masse » (Asma Mhalla) ; ou celle d’un Totalitarisme Nationaliste qui régit de nombreux régimes autoritaires et expansionnistes, et tente les déçus de la mondialisation néo-libérale… Si deux extrêmes il y a bien en France, ce sont assurément ces deux-là.
En un temps de post-vérité / post-démocratie / postpolitique, le problème est que chaque clan campe sur ses positions… et ça continue de parler encore et encore, exactement de la même manière : bilan avancé, bilan contesté… union par-ci, union par-là… tractation par-ci, tractation par-là… Mais ces mécaniques bien huilées glissent sur les réalités sociales pour tomber à l’eau…
Ne devrait-on pas proposer un jeu virtuel pour faire prendre conscience du réel ?
♦ Irez-vous à la Journée de Jeanne d’Arc ? Composez votre fête…
♦ Quels nouveaux sports nationaux ? La chasse-aux-pédés, l’insulte-aux-Arabes, le casse-gauchos, la course anti-woke…
♦ Quels nouveaux programmes pour un service-public privatisé ? Un rendez-vous hebdomadaire avec Boloré ? Zemmour ?…
♦ Quels nouveaux programmes dans l’Education-Nationale, ce repaire d’islamo-gauchistes ?
♦ Quels films / livres heurteront-ils la nouvelle sensibilité de la Rancœur Nationale ?
♦ Votez pour vos slogans favoris : La fRANCE-aux-fRANÇAIS… La femme-au-foyer… Les immigrés-au-bûcher…

À vous de jouer – si vous en avez envie…

 

Libr-livres reçus

Jean-Philippe CAZIER, Poésies critiques : Jean-Michel Espitallier, Liliane Giraudon, Frank Smith, Lanskine éditions, coll. poche, printemps 2024, 196 pages, 12 €.

Présentation éditoriale. Ecrire des crises, mettre en crise l’écriture, ce que c’est qu’écrire. Crise de la pensée, du monde, des affects. L’écriture de chaque écrivain.e dont il est question ici est une écriture critique : par elle sont mis en crise la pensée, le monde, l’écriture, leurs rapports. Le fil rouge qui se dessine à travers l’ensemble des textes qui constituent ce volume est peut-être celui-ci : comment ces trois oeuvres mettent en crise les rapports de la pensée, du monde, de l’écriture ; comment chacune crée une écriture qui existe à la limite du langage, de la langue, de l’écriture, et par laquelle la poésie bascule, se déchire, invente d’autres combinaisons, d’autres logiques. Ecroulements de la poésie et naissances de la poésie. Il s’agirait d’essayer de suivre ces écroulements, ces naissances.

Le point de vue de LCUne critique immanente et non de jugement, pour penser avec quelques-unes des œuvres poétiques actuelles les plus singulières. Une critique qui nous accompagne, essentielle.
Espitallier : « Il s’agit d’écrire pour suspendre le sens, l’évidence, l’habitude qui nous privent de la perception et de la pensée de notre monde » (p. 61).
Giraudon : « Révolution poétique, révolution du langage, révolution du monde : une sortie hors de ce qui emprisonne le langage, la pensée, la vie » (p. 116).
Smith : « Un texte écrit selon ce principe de la réitération, de la variation […] correspond aussi à une forme singulièrement productrice d’affects […] » (p. 192).

 

Jean-Pascal DUBOST, Au fait & au prendre, Tarabuste éditeur, juin 2024, 212 pages, 18 €.

Présentation éditoriale. Journal en vers d’une année, à raison d’un poème par jour inspiré par un fait de l’actualité du même jour. Un ensemble sur les bruits du monde immédiat, un journal post-covid, mais pas sur le covid, il est juste quelquefois évoqué. Un journal sans « je », sans aucune considération autobiographique, un « baromètre de l’âme » dont les variations d’humeur personnelle s’expriment dans le rythme (cadré et contraint pour ne pas verser dans l’excès d’humeur).

Le point de vue de LCUn « Avertissement » qui cligne du côté de Montaigne, un « Argument » qui rend hommage à l’oulipien Jacques Jouet… Puis une longue série de neuvains enjoués qui mêlent les parlures, et qu’il faut lire par sauts & gambades selon la toujours actuelle recommandation de Montaigne : un régal !

 

Ewa LIPSKA, L’Amour en mode urgence, trad. du polonais et postface d’Isabelle Macor, éditions Lanskine, en librairie le 9 juillet 2024, 64 pages, 14 €.

Présentation éditoriale. Ewa Lipska traite des problématiques contemporaines et existentielles à travers la métaphore du numérique et de nos outils informatiques, plus largement à travers le champ conceptuel lexical de la machine, ce qui n’exclut aucunement le lyrisme. Pour nous parler de tout ce qui menace l’amour et notre monde, de la nostalgie de ce qui aurait pu être si « la raison n’avait pas été révoquée », Ewa Lipska crée une langue profondément novatrice, une poétique ancrée dans une utilisation subversive et ironique du lexique du monde virtuel.
Au-delà de son ancrage dans la littérature polonaise, elle nous interroge sur le monde contemporain et pour la première fois, ce nous qui dans ses recueils précédents englobait le genre humain, fait référence uniquement au couple, comme si, face à la folie et à sa vision catastrophiste du devenir du monde, l’intime et plus particulièrement l’amour, était le seul moyen de sauver l’être humain.

Le point de vue de LC. Entre présent et passé, des mots-poissons visqueux… Quelques effets saisissants, pour nous en aller loin de nous-mêmes… On peut néanmoins rester sur sa faim.

 

Véronique VASSILIOU, Une minute de latitude, éditions Nous, coll. « Disparate », mai 2024, 248 pages, 22 €.

Présentation éditoriale. Une minute de latitude est en cinq dimensions. La première est l’adaptation écrite d’une minute de captation quotidienne, de la vie portuaire de Marseille, durant dix mois, depuis le même angle de vue, au septième étage d’une tour vitrée : le lieu du travail. La seconde, sonore, est la transcription des conversations captées dans l’open space durant les temps de pause : le contrepoint. La troisième est une transposition graphique des photographies : la vignette. La quatrième dimension est la consigne méthodique d’une météorologie visuelle : le temps. La dernière est celle d’une échappée intérieure : la fugue.Une minute de latitude est le résultat d’un travail du regard, d’une insistance sur le motif, et un journal de lutte contre l’enfermement.

Au nom de quoi faudrait-il consigner tout ce qui se déroule durant cette minute de capture ? Au nom d’une astreinte à l’exercice d’évasion ou d’un exercice d’enfermement sans la promenade ? L’échappée belle, un acte de résistance ? Au nom de quoi faudrait-il tout métamorphoser ? Au nom du mouvement interdit ? De la nécessité de la joie ? De la respiration ?

Le point de vue de LCIl y avait bien eu La Marquise sortit à cinq heures de Claude Mauriac, mais dans une perspective romanesque et en un autre lieu (Paris) et en un autre temps (1961). Le sujet est ici traité dans une autre forme, plus épurée (texte et dessin), et à la façon de Véronique Vassiliou – suggestive et vivante.

Libr-événements
► Les éditions Lanskine au Marché de la poésie (stand 610) :
Vendredi 28 juin 2024 à 20h, Les nouveaux Cris poétiques #6 : Maxime Hortense Pascal, Nicolas Pesquès / rencontre, propager le poème. Vélo-Théâtre, 171 Avenue Eugène Baudouin, 84400 Apt

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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