[Chronique] Jules Vipaldo, Pour qui sonne le Douglas ?, par Guillaume Basquin

janvier 17, 2024
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[Chronique] Jules Vipaldo, Pour qui sonne le Douglas ?, par Guillaume Basquin

Jules Vipaldo, Pour qui sonne le Douglas ?, éditions Dernier Télégramme, hiver 2023-2024, 90 pages, 12 €, ISBN : 979-10-97146-58-0.

C’est entendu, Pour qui sonne le Douglas ? (le doux glas ?) est peut-être un opus mineur de Jules Vipaldo, le seul poète français à briguer le prix Marie-Chantal Nobel ; pourtant il entraîne notre curiosité de lecteur jusqu’à la fin : mais où donc va encore nous mener la prose poétique du plus grand farceur de la poésie contemporaine française ?

Ici, il s’agit en apparence d’une « déconnade » sur les arbres et « l’hêtre », mais en réalité d’un cri contre ce drame : la déforestation. On se souvient d’un plan bouleversant de l’un des chefs-d’œuvre du cinéaste Robert Bresson, Quatre nuits d’un rêveur, où l’on voyait des arbres abattus en forêt dans un tonnerre de violence de l’homme contre la Nature ; nous en sortîmes changés à jamais : plus jamais ça ! ou alors à surface arboricole et forestière constante. Incipit du livre : « Depuis son plus jeune âge, Jules aime les arbres. Il ne les aime pas “comme chacun ou comme tout le monde”, il les aime VRAIMENT. Jules aime trop les arbres pour ne pas s’en inquiéter. (Il aime les contempler ; aime y grimper, s’y tenir, s’y appuyer, s’y agripper ; aime se tenir devant, dessous, voire, dedans). / Souffrant du complexe “d’Idéfix”, il pleure chaque fois qu’on en coupe un ! » Poésie de l’âge de la prise de conscience écologique ? Oui, mais pas que… La poésie n’a que faire des idées ou de l’idéologie… ou disons elle a mieux à faire : jouer avec les mots, et les sons, pour créer de la jouissance dans l’oreille interne du lecteur… voire dans son œil, quand il s’agit de poésie visuelle marchant largement dans les traces d’un Maurice Roche, tel qu’il appert de l’exergue du « [ Tom(m)e 2 ] » (sic) du livre : « Être du bois dont on se chauffe / fauche ! / Maurice Roche (extrait de Pensées sous les arbres, coll. Tel Quel, éditions du Seuil, 1972, p. 78). »

Car nul n’est plus, en France, le fils spirituel de Maurice Roche que cet inconnu nommé Jules Vipaldo ; et il va être temps de la savoir/ça-voir :

Cette page 38 du recueil ne dépareillerait pas à côté d’une page choisie au hasard dans Opéra bouffe de Maurice Roche (Seuil, Tel Quel, 1975), que j’ai sous les yeux en écrivant cette note de lecture. Mêmes inventions typographiques incessantes ; même musicalité bien tempérée ; même fantaisie tous azimuts ; même attrait pour les jeux lexicaux ; même humour décapant ! Ajoutez-y un zeste d’autodérision, et vous avez le portait de Jules !

Pourtant, sur et sous le rire, l’inquiétude : « “La chute d’un arbre est une défaite de la pensée” – hasarde Jules –“qui précipitera notre chute à tous” – se croit-il en devoir d’ajouter, pris en flagrant délit de phrases ronflantes ! » Puis la colère indignée : « Jules est remonté comme un coucou, une pendule, ça va scier des bulles ! […] IL VA VOUS FAIRE PASSER LE GOÛT DU SAPIN ! » Sous le clown, le Zorro des forêts !

Vipaldo sait bien que la poésie est inadmissible :

Hêtre ou ne pas,
Jules n’est pas shakespearien.
Il préfère l’Hêtre
Au « ne pas ».

Cette farce-bouffe de Vipaldo semble légère, d’accord ; mais n’oublions jamais qu’« Il y a un droit du SAULE / dont il reste à écrire la DÉCLARATION ! ». Et surtout, « Que serait la campagne sans l’ombre d’un arbre ? – se demande Jules qui, l’été, en bon sudiste, ne saurait perdre le nord et marcher ailleurs qu’à l’ombre fraîche des platanes ». Mais qui est ce Vipaldo ? Un premier indice : il vit dans le sud… Honni soit qui mal y pense…

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