[Entretien - création] Ce que les femmes font à la poésie (5) : Virginie Lalucq

[Entretien – création] Ce que les femmes font à la poésie (5) : Virginie Lalucq

mars 24, 2022
in Category: Création, entretien, UNE
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[Entretien – création] Ce que les femmes font à la poésie (5) : Virginie Lalucq

Suite à la parution en décembre dernier de Polyphonie Penthésilée (P.O.L, 144 pages), mais également, en ce début janvier 2022, d’une anthologie proposée par Marie de Quatrebarbes aux
éditions du Corridor bleu, Madame tout le monde, ce dossier qui emprunte son titre à l’une
des sections de Polyphonie Penthésilée pour réunir entretiens, extraits (inédits pour la plupart) et chroniques, vise à donner un aperçu complémentaire de la création actuelle au féminin, tout en donnant la parole à des poétesses sur leurs pratiques comme sur les conditions qui leur sont faites dans cet espace éditorial de circulation restreinte : environ deux tiers d’entre elles (61,5% exactement) ont participé à l’une ou l’autre de ces deux aventures collectives cruciales que sont Lettres aux jeunes poétesses (L’Arche, 2021) et Madame tout le monde ; ajoutons deux autres variables, l’âge (pour l’instant : une septuagénaire, une sexagénaire, une quinquagénaire, six quadragénaires et quatre trentenaires) et les lieux d’édition (une petite trentaine). Les trois mêmes questions sont posées à chacune afin de construire un éventail de réponses qui, à défaut de constituer une enquête conforme à tous les critères propres aux sciences sociales, n’en est pas moins significative.

Après l’entretien de Liliane Giraudon, de Sandra MOUSSEMPÈS et de Aurélie Olivier, qui a dirigé le volume Lettres aux jeunes poétesses (L’Arche, 2021), voici celui avec Virginie Lalucq.
Virginie Lalucq est l’auteur de Couper les tiges (Comp’act, réédition bilingue français-anglais à venir) et, avec Jean-Luc Nancy chez Galilée en 2012, de Fortino Samano (Les Débordements du poème), traduits en 2012 aux États-Unis, aux éditions Omnidawn. Elle a participé à de nombreuses revues et anthologies, et donne régulièrement des lectures publiques où elle aime à expérimenter le travail sonore. Son prochain livre à paraître s’intitule Liste des pages. Depuis début 2022, elle est également directrice des publications d’EEEOYS éditions.

En ce temps de chasse au « wokisme », comment traiter encore les rapports de domination ? Sans tomber dans l’idéologie et en maintenant le cap : LIBR-CRITIQUE s’est toujours inscrite dans le prolongement de la pensée critique des Modernes, ce qui suppose le refus de tout identitarisme. Dans Soi-même comme un roi. Essai sur les dérives identitaires(Seuil, 2021), Élisabeth Roudinesco montre lumineusement en quoi diffèrent les luttes émancipatrices du siècle dernier et celles menées actuellement au nom de telle ou telle soi-disant « identité » (raciale, nationale ou sexuelle) : les premières visent un universel singulier (Sartre) ; les secondes, un particularisme sectaire. /FT/

 

Entretien de Virginie Lalucq avec Fabrice Thumerel

FT. Aujourd’hui, à ton avis, que font les femmes à la poésie ?

VL. Je vois les choses sous un angle sociologique et historique.
J’entends :

Le Code civil de Napoléon inscrit en 1804 l’infériorité des femmes dans la loi. Longtemps les femmes restent privées de droits juridiques au même titre que les mineurs, les criminels et les handicapés mentaux et sont soumises à l’autorité du père et du mari. L’accès à l’art est difficile, notamment parce que cette activité est presqu’exclusivement chasse gardée masculine, en termes y compris de réputation. Ça ne se fait pas pour une « femme bien » de faire l’artiste. Mais ça n’empêchera aucune kamikaze de se lancer. Elles sont cependant rares et forcément issues des classes privilégiées.

1965 : La femme mariée n’est plus considérée comme une mineure. Ce qui, on en conviendra, est assez tardif. Puis les luttes féministes. Les femmes entrent davantage en littérature.

Pourquoi ces rappels, eh bien, parce que ce statut de majeur durement acquis permet non seulement d’agir mais surtout d’assumer une autorité. Et pour faire œuvre, c’est primordial. Or aujourd’hui, les femmes changent la nature de l’autorité de l’écriture poétique (l’auctor) qui n’est plus spécifiquement masculine dans un milieu historiquement masculin et de fait elles la font accroître. Cela a des effets sur la construction des œuvres, leur réception et leur citation. Cela bouleverse des siècles d’une seule autorité et cela permettra peut-être que des décalages notoires entre le talent et la réception ne se reproduisent plus :  Dickinson ou même plus récemment Collobert, Bessette, Rouzier. Et j’en passe. Mais encore faudrait-il qu’un certain nombre d’écrivains puissent se retrouver dans les œuvres écrites par des femmes.

 

FT. Remise en question, la domination masculine est encore d’actualité dans le milieu poétique. Est-ce à dire qu’un #MeToo y serait également nécessaire ?

VL. Je n’ai pas la sensation de vivre sous l’emprise d’une domination masculine dans le monde poétique. J’ai toujours eu la possibilité de publier, j’ai envoyé mon premier manuscrit par la poste et ai eu une réponse sous 48h de mon éditeur de l’époque, Comp’act. Puis d’autres hommes, Jean-Luc Nancy en tête, Sylvain Courtoux, Jean-Marie Gleize ou encore Philippe Beck, et de nombreux revuistes/organisateurs de lectures/débats/interventions m’ont sollicitée ou apporté une aide et visibilité, au même titre que les femmes. D’autres encore, tels Jacques-Henri Michot, m’ont toujours encouragée, y compris dans les moments les plus difficiles de ma vie. Et c’est encore le cas aujourd’hui, ça se poursuit. Je n’irai donc pas me positionner comme une victime car cela ne serait pas vrai, profondément injuste et ingrat. Pour autant, rien n’est simple, en tant qu’institution, le milieu poétique n’est pas isolé de modes de fonctionnements ancestraux. En ce sens, il y a eu quelques situations humiliantes et beaucoup de jalousies à la sortie du livre avec Jean-Luc Nancy, des insinuations indignes, même. Alors que j’avais vécu un statut d’égale à égal, un dialogue d’écrivain à écrivain. Les attaques de certains qui faisaient des pieds et des mains auprès du philosophe roi et n’obtenaient pas gain de cause car il n’était pas sensible à leurs courbettes, m’ont toujours fait penser que ce traitement était, somme toute, assez différencié. Le fait d’être une femme, accentué par le fait que j’étais jeune, a suscité des commentaires que je n’ai pas lus pour d’autres poètes masculins ayant collaboré avec JLN.

La domination masculine peut donc encore s’exercer dans l’organisation des chaînes de pouvoir (aussi minimes soient-elles) qui se trouvent toujours à l’œuvre et que pour ma part je relie toujours au mode de fonctionnement capitaliste. L’abus de pouvoir est toujours en lien avec l’ultralibéralisme. Il ne faut pas évacuer cette question y compris dans une perspective féministe.

Nous sommes aussi certaines à avoir vécu des anecdotes plus ou moins gênantes, voire des faits nettement plus graves, au sein de notre milieu dit poétique, vous me direz que c’est vrai de tout écrivain, certes, mais le fait de ressortir du champ historiquement des dominées, accentue la chose et en volume. Et je voudrais aujourd’hui en partager certaines, en essayant de prendre de la hauteur et de porter un regard constructif sur la question, puissent des liens s’établir avec les réponses de mes pair-e-s. Pour commencer, évacuons les précautions d’usage : pour qui me connaît, je suis loin d’être puritaine, il est donc inutile et vain de rattacher ce qui va suivre à un quelconque mouvement rétrograde, étant attendu que je me retrouve plutôt dans le féminisme prosexe, par ailleurs.

Il y a quelque temps (cinq ans, précisément), un poète qui dispose de sa propre collection rattachée à son Université me contacte pour me proposer d’y éditer mon dernier manuscrit. Il me donne rendez-vous chez lui :  vu que je ne le connais pas, je lui demande s’il est possible de se donner rendez-vous au café, comme il est souvent d’usage. Il argue alors d’un handicap l’empêchant de se déplacer.  Par empathie, je souscris à sa proposition. Une fois chez lui, je constate qu’il n’a pas de difficultés particulières pour se déplacer mais un handicap peut être invisible : je ne me méfie pas.  L’entretien commence bien, porte sur mon écriture, jusqu’au moment où mon interlocuteur me demande clairement jusqu’à quel point je pourrais être gentille. Je lui indique que je ne suis pas intéressée par sa proposition. Il me fait alors le reproche de ne pas être assez charnelle. Puis me fait comprendre que je serais particulièrement laide et que je ne devrais donc pas refuser cette aumône. Enfin, comme cela commence à dégénérer, j’arrive heureusement à m’enfuir, la porte n’étant pas fermée à double tour. Je suis assez en colère après moi d’avoir été si naïve et choquée du procédé, j’en parle à un ami qui me dit qu’il s’agit d’une tentative de prédation, non de séduction : il faut faire quelque chose. Et si cet homme s’en prenait à d’autres qui n’ont pas ma poigne ou le choix ? (J’apprendrai par la suite qu’il s’en était pris au moins à une autre poète quinze ans auparavant). Cet ami me propose alors de mettre lui-même un message public sur le Facebook du susdit :  l’autre saurait ainsi qu’on l’a à l’œil. Il indique donc : « il paraît qu’il faut coucher pour publier dans votre collection ? Parce que moi, ça m’intéresse. » C’était le 9 novembre 2015. L’homme répond alors avec courage : « Vous vous trompez de personne ». Et je reçois un texto dans la foulée, qui dit en substance : ah j’ai lu « votre texte dans la revue X, c’est vraiment très bien blablabla ». Pas un mot d’excuse, non. Inutile de dire que je n’ai jamais répondu à cet homme.  Je l’ai croisé alors que je m’entretenais avec Jean-Luc Nancy après une intervention publique : il voulait bien sûr éventuellement se placer auprès de lui. Je l’ai fixé avec colère : il n’a éprouvé aucune gêne. Par la suite avec cette autre poète, nous avons voulu avertir l’Université susdite : nous n’avons jamais reçu de retour à nos mails.

Cette anecdote met donc en lumière que le simple accès à l’édition peut toujours être lié à un chantage (d’après une enquête récente, cela reste beaucoup plus répandu dans le secteur éditorial traditionnel). Je n’ai pas connaissance que cela touche le genre masculin en les mêmes termes : aucun homme ne m’a confié jusqu’à présent avoir été « obligé » de la sorte (mais qui sait…) pour pouvoir publier. Mais surtout elle met en évidence l’absence de choix possible dans la situation d’énonciation précise, le peu de cas qui est fait du consentement d’autrui, selon l’axiome suivant : ou tu couches et tu es publiée ou tu ne couches pas et tu n’es pas publiée, là où cela devrait être plutôt :  tu es publiée et peux coucher si tu le souhaites ou non, si tu ne le souhaites pas. Ce qui a pour conséquence de réduire l’auteure à un objet et non en l’occurrence au sujet y compris désirant qu’elle est, et donc de la renvoyer à sa condition de mineure éternelle, à laquelle elle aura tenté vainement d’échapper encore, par le truchement de l’art. Fail, donc.

Autre expérience : celle du comité de lecture. J’ai eu la chance de pouvoir participer au comité d’une revue et j’ai apprécié de pouvoir rencontrer et faire découvrir des textes, ce pouvoir-là, je m’en contentais. Mais très vite je me suis heurtée à un mode de fonctionnement qui reproduisait les rapports de classe où j’étais une petite main parmi tant d’autres (« une solution ») dans un lieu que j’aimais et pourtant fortement ancré à gauche. Cela a culminé quand des pépins de santé sont arrivés et que je n’ai pas reçu l’exemplaire du dernier numéro pour lequel j’avais fortement travaillé, et ce bénévolement. Plus je le réclamais, moins il arrivait (pour finir, c’est une auteure présente au sommaire qui m’a envoyé elle-même son deuxième exemplaire : Sandra Moussempès.) Puis j’apprends par la suite que quelqu’un d’entré récemment au comité a tenté dix-sept ans auparavant d’abuser d’une poète, tout en profitant de la situation de faiblesse où elle se trouvait. J’ai donc décidé d’arrêter les frais là.

Certains se sont vraiment inquiétés de mon départ tout en m’avertissant de la solitude qui allait me guetter : Amandine André, Patrick Sainton, entre autres. D’autres ont pensé que c’était parce qu’ils arrivaient au comité et que ça me gênait :  j’ai donc eu droit à de la fébrilité, des lettres parlant de pureté/impureté auxquelles je n’ai pas répondu. Certaines m’ont écrit que j’étais une enfant gâtée qui faisait un caprice. Les autres membres du comité m’ont soutenue mais les places étant chères (la lutte des places, n’est-ce pas ?), la solidarité a été de première main puis plus rien. Cela m’arrangeait à vrai dire : je me suis occupée de moi. Les solutions suivantes ont pris le relais. Bien sûr, j’étais invitée à revenir quand je le voulais car j’étais « chez moi ». Chez moi, voyez-vous, c’est tout autrement.

J’écris tout ceci pour que certain-e-s prennent conscience de leurs actes et les réforment, je ne sais pas si un #MeToo serait nécessaire dans le milieu poétique, sauf à connaître l’ampleur d’anecdotes du même type (et de bien plus graves), mais il faudrait aussi pour cela que nous soyons moins isolées et que certaines femmes ne reproduisent pas les comportements qu’elles dénoncent par ailleurs en théorie dans de beaux articles (autre débat et autre question : pas de pureté, en effet ; toutes ces questions concernent hommes et femmes, indifféremment).

Je salue donc la démarche de ce dossier, d’ailleurs initié par un homme.

 

FT. En fin de compte, bien qu’il n’y ait pas d’écriture féminine (à bas l’essentialisme !), en quoi peut consister cette « langue/ introuvable » qui serait celle des femmes selon Liliane Giraudon ?

VL. J’ai toujours eu du mal avec la notion d’écriture féminine, car elle ne m’a jamais paru pertinente. J’en parle déjà dans cet entretien qui date de 2006. J’ajouterais à cette réponse déjà détaillée que pour parler d’une telle écriture, encore faudrait-il que l’on puisse déterminer des stylèmes du féminin dans l’écriture et des stylèmes du masculin, aussi. Ce qui me semble nébuleux. Peut-être thématiquement, prenons L’Événement d’Annie Arnaux, par exemple : mais le thématique est-il ici nécessaire et suffisant pour parler d’écriture féminine ? Enfin, pour ce qui est de la poésie, il n’opère pas.

Si je reprends le livre de Liliane Giraudon, celui-ci tente de soulever une autre question plus pertinente à mon sens : comment inventer dans la langue des stratégies de pillages, détournements, inventions, découpages ?

Même si les hommes écrivent au féminin depuis toujours (Marivaux, La Vie de Marianne), il existe tout de même une nette différence entre prose et poésie puisque dans ce dernier cas, je n’ai pas d’exemple contemporain de poète masculin écrivant au féminin à citer (Messieurs, détrompez-moi !). Le seul qui me vienne à l’esprit remonte à Mademoiselle Malcrais de la Vigne/Paul Desforges-Maillard (XVIIIe siècle), c’est dire.

Enfin, pour ce qui regarde prose et poésie, il me semble qu’il est plus facile pour une femme de travailler à partir d’une énonciation polyphonique qui suppose des changements de genre, voire des confusions de genre (Albiach). J’ai toujours été saisie par cela notamment dans l’œuvre de Duras. On ne sait plus qui parle. Et je constate que cela est exactement comme le fait qu’une femme puisse passer du pantalon à la robe ou à la jupe indifféremment et cela plus facilement qu’un homme. On retrouve cette dimension dans le travail d’Amandine André ou Isabelle Zribi, par exemple. D’autres encore alternent les voix pour (se) jouer des stéréotypes du féminin, révisant leur Hollywood aux doigts de rose (Sandra Moussempès).

Pour conclure, je citerais ici Aurélie Garcia et Camille Massot :

 « L’écriture est le lieu même du passage d’une identité à l’autre, passage qui est bien une hybridation : les différents sujets ne se côtoient pas les uns les autres, au contraire, ils se croisent. Le « je » est migrant, nomade : il est un mixage de bouts d’identité. L’hybridation peut alors être considérée comme une actualisation permanente du « je est un autre » de Rimbaud. Cette instabilité crée non pas une écriture neutre, ni une écriture où féminin et masculin se mélangent pour obtenir un équilibre androgyne, mais plutôt une écriture mouvante, l’écriture du changement même, de l’impossible préhension. »

Pour le reste, je vois autant de différences d’un/e poète à l’autre car je lis surtout des identités, des sensibilités et écritures qui ne se ressemblent pas.

 

Pénélope à rebours

                                                                                         Pour Jean-Luc

Les corps d’Ödland flottent sur la lie, flottent sur la langue, en apesanteur, finissent par perdre l’équilibre. Tu t’es pas foulé, sombre Novembre, tu t’es pas foulé !

L’élongation, la déchirure se sont à jamais fixées dans la gélatine : l’objectif était perdu d’avance. Tu n’as pas tenu la distance, hors du vase dû, tu t’es ramassé sur le sol, en apesanteur d’Ophélie. Il a fallu fermer les écoutilles, reprendre le fil des lettres une à une.

Novembre ne t’a pas pondu : octobre était déjà tué dans l’œuf.

Tu cherches à reconstruire une ossature possible mais tout est affaire de syntaxe, en avant, droit dans le mur. Tu ne t’ouvriras pas à l’intérieur du cadre, il ne s’agira pas seulement de marcher sur la lave ou de vaincre ta peur du vertige, cette fois, gravir encore une page qui vous brise menu-menu, ce s’ra pas du gâteau. Phalange après phalange, avec cette sensation du piège qui se referme illico sur le passé/le présent.

Une Pénélope à rebours qui déborde ton berceau.

 

Cette fois, la page te brisera avant que tu ne la tournes sept fois dans ta bouche.

 

Cette fois, un nénuphar flottera en parfaite méduse sur ta langue. Cette fois où tu ne voudras pas crever l’abcès fera encore la saison et je te laisserai parmi les tsubaki.

Octobre était déjà hors d’usage, Novembre s’apprêtait à t’enfouir dans sa boîte crânienne. Tu t’es perdu au loin, au large la neige a surgi, l’édredon a fait faussement surface et ta poitrine s’est engourdie hors du temps, au galop.

Cette fois, la page mille fois accélérée au ralenti et son verdict font ressurgir les souvenirs et les ritournelles d’un seul bloc. Un haut-le-coeur voyage en caravelle. Cette fois, tu vois bien, les murs rétrécissent.

Une question d’effondrement, un dégel progressif brouillent ton regard. A la fin, Novembre, tu t’effrites. Cette fois, l’autre page s’évanouit dans une anémone de mer. A la surface, en pilotage automatique, ton nénuphar s’est perdu avec une telle lenteur-écume. Cette fois, tout ce qui reste de l’espace, tu n’en as plus la force.

Tu fais la planche, sous la ligne de flottaison, tu te laisses emporter par le courant, tu es un nénuphar-amphibie, tu peux résister encore longtemps aux coups du sort, plus rien n’a de prise sur toi, tu voudrais juste manger de la neige. Trouver une forme de légèreté, une prose Dolorès, un phrasé Do-lly-ta, pour s’extirper de la carcasse ou bien trébucher au bord du volcan en talons hauts, le stylet gonflé à l’hélium.

Qu’un dirigeable conduise la litanie en boucle :

Jesus blood never failed me yet / never failed me yet /Jesus blood never failed me yet/There’s one thing I know/For he loves me so.

 

 

 

La marelle est bouclée : 1,2,3 soleil tu trébuches / 4,5,6 cueillir des cerises mais ton panier est percé et tu ne peux pas compter plus loin, tu disposes d’une économie de temps, les moyens t’ont déjà distancié. Fait comme un rat, que tu te muscles ou pas, les jeux sont faits alors tu pédales à vide avec tes grands airs de Belle-au-bois-dormant et des talons aiguille en guise de bottes de sept lieues.

 

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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