[Chronique] Jean-Guy Coulange, Sillon, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

[Chronique] Jean-Guy Coulange, Sillon, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

avril 19, 2022
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Chronique] Jean-Guy Coulange, Sillon, par CHRISTOPHE STOLOWICKI

Jean-Guy Coulange, Sillon, JCG et Le Village, distribué par Les Presses du réel, avril 2022, 64 pages, 15 €, ISBN : 978-2-9581609-0-6.

 

Scrutées par Jean-Guy Coulange, happées soir et matin d’une fenêtre en premier plan de mer, la plage du Sillon de Saint-Malo et sa digue battue par les lames, se déploie ici un chef-d’œuvre d’art total décomposé où s’ensuivent poème (mais centré sur son sujet visuel, écartées toutes radiances sonores, aux passages à la ligne près écrit comme décrit et analyse Matisse), photographies en noir, en couleur, aquarelles, un commentaire décalé du poéticien de cinéma qu’est Jacques Sicard, et l’évocation de l’émission radiophonique des vents captés comme objet d’exposition. Soit un mixage immobile.

Par un cinéaste de l’arrêt sur images, le secret des salles obscures décomposé à jour d’océan.

« Soir. / La digue s’est épaissie d’une strate gris noir / sous laquelle pleuvent des traînées plus claires, comme floues, / percées par le rasant du soleil tel un projecteur de théâtre. »

À contre-jour de crépuscule lumineux imprégné d’une longue attente, en noir & blanc déferle, flocule la mer. Les silhouettes noires des joggeurs, promeneurs, se détachent sur l’estran jonché de débris de roche comme de précieux détritus triturés par la vague. Séquences de photogrammes.

Les photographies en couleur étagent strate sur strate d’un bleu vert vespéral, entre canard et calanque ; de derniers feux creusent leur sillon ; le couchant diffuse une onde de lune, poignante du silence d’une mer coupée de sa houle. La couleur rapportée à sa vibration.

Elle infuse couche sur couche dans les aquarelles, par bribes aimantées improbables, plus vraies que l’ivraie ; le gris canard flotte en turquoise ajouré ; une idée de la mer transparaît dans la palette du spectre. « Les couches successives ont laissé / une densité de matière et il est clairement apparu non plus une épaisseur / mais une profondeur, exactement comme une profondeur de champ, physique et acoustique : / une polyphonie / […] lumineuse. » Dans un cahier de nuances sérielles, le nuancier infime d’un for extérieur, Jean-Guy Coulange accomplit un travail complémentaire de photographe et de peintre, à même étiage.

D’autres jeunes ou moins jeunes poètes contemporains (Lionel Fondeville, Armand Dupuy, Hervé Brunaux), tirant leur épingle de je de la foire de poigne médiatique de crans sur écrans, ont développé de proches prémisses d’artiste sériel à toutes mains. Livre ou livret, peu m’ont nourri d’une telle qualité de silence, matériel de tous ses éclats.     

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