[News] Libr-fêtes (3)

janvier 5, 2025
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[News] Libr-fêtes (3)

En ce premier post de l’année 2025, que nous vous souhaitons libr&critique, faisons nôtre cette interrogation que le regretté Daniel Cohen (1953-2023) a placée à l’entame de son dernier livre (posthume), Une brève histoire de l’économie : »Tout à la recherche de boucs émissaires, le monde moderne évite pourtant la question centrale : que deviendrait-il si la promesse d’une croissance indéfinie était  devenue vaine ? » (Albin Michel, 2024, p. 21).

Découvrons ensuite deux autres aventures d’Ovaine (Tristan Felix), regardons dans le rétroviseur pour goûter le dernier recueil de Daniel Pozner, puis dans le viseur pour les toutes prochaines publications (de Laure Gauthier et sur Michel Butor) ou Libr-événements

 

Les nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/

Ovaine et le loup grêle se pourmènent dans le vaste Désert en quête d’une ombre encore valide.

Derrière eux, tels des diamants, ruissellent leurs gouttes de sueur.

Une ombre élimée aux coudes et titubante ne tarde pas à s’offrir… en échange de leur rivière de diamants.

Mais ils sont aussitôt bus par le sable et l’ombre, qui n’est déjà plus que l’ombre d’elle-même, s’estompe…

Ovaine et le loup de justesse la remettent sur pied en épousant ses formes, sans trop l’écraser.

Lorsque le soleil se retire derrière les dunes, chacun se sépare, incertain d’être encore.

*

Quand Ovaine a fini d’aspirer au plafond où des araignées murmurent, elle sent monter la honte.

La nuit elle entend de purs soupirs, plein de plaintes, des toux à peine tues, des touffes d’étouffements, de petits cris aigres, des gargouillis gores…

Tapi sur le tapis, le loup grêle enregistre tout en mp3.

Ovaine, fébrile, ouvre alors le placard : devant l’aspirateur, un campement d’acariens, d’araignées et de punaises chantent un blues déchirant autour d’un brasero.

Une araignée nue danse dans les flammes en soulevant son petit nuage de poussière.

Ovaine, dans un grand éternuement, propose une tournée mondiale à bord de son aspirateur acoustique.

 

Libr-rétroviseur /FT/

Daniel POZNER, Désinvolture des engrenages, éditions Louise Bottu, été 2024, 88 pages, 13 €.

Présentation éditoriale. Lieux, traces, personnages, je vous les laisse. Des cubes, des flèches, des silhouettes, des mots. Savez-vous ce que vous aimeriez lire ? Tout est chaud, vrai, cassant. La main ouverte, les doigts serrés, je suis un peu plus loin.
Vous me raconterez.

Libr-regard LCUn subtil tourbillon d’éléments et de références… Des inventaires, si l’on veut – mais différents des précédents.  En creux s’esquisse un (auto)portrait du poète contemporain : « une épuisette à la main », il part en quête des poncifs et clichés, toujours prêt à défaire les phrases toutes faites, à traquer les lieux communs – en évitant le vers de trop… Infatigable, il explore la langue jusque dans les ellipses, les exclamations et onomatopées… Fantaisiste, il se lance à la recherche du réel perdu, prêt à écrire « le roman des nappes de papier »… Inventif, il n’a pas son pareil pour créer un « grand bal des petites choses » ou, d’aléas en alinéas, proposer un conte-à-votre-façon…

Toujours aussi virtuose, Daniel Pozner !
À vous de jouer, voleurs de mots !

 

LC a lu et recommande en ce mois de janvier 2025… /FT/

Mireille Calle-Gruber et Marion Coste, Michel Butor en musique, HD éditions, à paraître le 9 janvier 2025, 262 pages, 27 €.

Présentation éditoriale.
L’Atelier Butor. De l’atelier, Michel Butor a fait le lieu de respiration de son œuvre et le principe de toute création. C’est là que l’écrivain grandit : en faisant ; en travaillant le langage, lequel sans cesse, bricolage, rature, collage, à son tour le travaille et le modifie. Car dans ce processus expérimental, les œuvres d’art et les œuvres de lettres appareillent le corps, le rendent plus sensitif, plus entendant, plus voyant.
Plus accueillant à l’inconnu. En un mot, plus vivant. Cette croissance, cette crue, donnent à la main largesse, aux yeux visions, aux mots qui tournent dans les spectrographes littéraires une puissance kaléidoscopique. « Rien n’est jamais perdu pour l’écrivain », dit Michel Butor. L’atelier recycle, transforme, transmute, transfigure et fait de toute matière Poème. Butor revisite les pratiques et les objets culturels, textes, récits, livres, peintures, musique, photographie, architecture, cinéma, artisanats mais aussi il s’adonne aux voyages intercontinentaux, à l’exploration des paysages, des légendes, mythes et rêves.
L’atelier de Michel Butor, comme celui des grands peintres de la Renaissance, reçoit les fièvres du monde entier, met en œuvre la création collaborative et le partage des voix. Les héritages s’y régénèrent ; le passé lègue l’à venir. La série L’Atelier Butor invite à faire l’expérience de ces transmutations qui sont la ressource inépuisable du Grand Œuvre Butor : toujours « donnant l’impression que l’on vient d’arriver, que l’on vient de naître, d’apprendre à marcher, d’apprendre à parler, que l’on va continuer d’apprendre et grandir à perte d’âge » (Rétroviseur).

Michel Butor en musique : « Vivre et travailler de concert ». Telle est la leçon que Michel Butor reçoit de la musique. Lui qui se dit un « musicien refoulé tressaillant d’aise » à la moindre note, se décrit au concert comme un enfant dans un magasin de merveilleux jouets, se demandant comment se servir de ces sons à l’intérieur des constructions de mots qu’il élabore. Du garçonnet qui apprend le violon au poète octogénaire, Michel Butor aura vécu, écrit, rêvé, pensé en musique.
Quel que soit le genre de ses écrits, chaque ouvrage est un livre partition ; chaque œuvre en collaboration une aventure d’harmonie et de rythme. Chaque composition musicale, que ce soit celle de Roland de Lassus, des improvisations de jazz ou des pièces de Stravinsky, donne à l’écrivain la chance singulière de composer des textes en répons. La musique à l’atelier Butor, c’est une façon d’être au monde : de refuser de fermer les frontières entre les époques, les pays, les cultures ; de travailler à ouvrir des trous dans les remparts ; de se sentir vibrer avec les flux et les énergies planétaires.

En bref. Riche en reproductions de qualité, haut en couleurs avec une typographie et un corps de caractère élégants, ce volume constitue une somme de référence pour les fervents lecteurs de Butor : on y trouvera les fruits de la passion que ce curieux polygraphe a vouée à la musique, textes et scénarios rares, fragments d’un abécédaire Boulez/Butor, « spectacle sonore »… Témoignages, études et explorations nous permettent de mieux appréhender les subtiles relations qu’il a tissées avec la musique, et en particulier avec le jazz : « J’ai essayé dans des textes de faire des phrases, ou des équivalents de phrases, dans lesquelles la sonorité, la couleur change, à l’intérieur de la phrase elle-même » (p. 108).

 

Laure GAUTHIER, Outrechanter, postface de Martin Rueff, éditions de la Lettre volée, à paraître le 15 janvier 2025, 102 pages, 16 €.

Présentation éditoriale. « Le poème migre / Il s’appelle / Chant sans Terre / il est serpent et dragon / tout à la fois sol des Migrants et Mer / Sans racine de terre, / Ulysse de justesse ? » Laure Gauthier poursuit ici son travail poétique sur l’énonciation et la polyphonie. Ainsi les dialogues de la première suite chorale intitulée « Le terme des lamentations » sont de véritables chants tenus par des protagonistes où se découvrent à la fois l’évocation de personnages classiques de la culture prémoderne (Abélard, Héloïse…) et la projection d’une sensibilité à fleur de voix. La deuxième suite poétique intitulée « Le serpent b » nous entraîne sur les hautes terres de l’Asie afin d’évoquer la légende chinoise des deux serpents vivant dans la montagne, et qui, après mille ans d’existence et de méditation, se transforment en femmes. Ces deux suites ne sont pas étrangères l’une à l’autre, elles inscrivent un même terrain de l’expérience du monde et de la relation à l’autre, plus singulièrement, de la relation amoureuse au sens le plus large et profond qui soit.

En bref. Dès que vous ouvrirez le livre, vous aurez l’impression d’être plongés dans un livret d’opéra : une « poésie pour voix » dépassant le « clivage entre poésie lyrique et poésie sans sujet » (« La Poésie est le chant du hors-champ », entretien avec Dominique Quélen, p. 366) et relevant d’une esthétique de l’entre-deux qui, sans ressortir aux modèles triadique et dialectique, s’oriente vers un au-delà du lyrisme, ouvert à la musique pour inventer un espace intermédial. D’un lyrisme l’autre, tel était précisément le titre de l’ouvrage collectif qu’a dirigé Laure Gauthier (MF, 2022) et dans lequel figurait son entretien avec D. Quélen.
Ajoutons pour le moment que la postface de Martin Rueff rend parfaitement compte de ce qu’est l’outrechant.

 

Libr-événements

Mercredi 8 janvier 2025 à 19H, Maison de la poésie Paris, soirée Dominique Fourcaderéservez.

© Serge Teyssot-Gay

Agenda de Laure GAUTHIER : Lectures de et rencontres autour du roman Mélusine reloaded (Editions Corti) et du recueil de poésie Outrechanter à venir en janvier et février 2025.

1/ Mardi 8 janvier à Albi – campus Champollion – à l’invitation de Séverine Abiker, de 10h à 12h – la forge des langues – rencontre avec les étudiants et le public autour de Mélusine
2/ Mardi 8 janvier à Albi Librairie Clair Obscur 18h30 rencontre autour des deux livres.
3/ Jeudi 10 janvier à 19h30 lecture concert en duo avec @cleotmusic à l’invitation de la @maisondelapoesiedebordeaux
4/ Jeudi 23 janvier, 19h à la librairie Exclibrairie avec Rodolphe Perez soirée autour des deux livres.
5/ Jeudi 30 janvier à 19h à Angers à la librairie.myriagone autour de Mélusine.
6/ Samedi 1er février au @museechassenature à Paris à 16h15-17h. Canopée littéraire : Le futur du vivant
Rencontre avec Gabrielle Filteau-Chiba (Hexa, Stock), Laure Gauthier (Melusine Reloaded, José Corti) et Irène Gayraud (Passer l’été, La Contre-allée)
7/ Jeudi 6 février à 16h à l’EHESS pour Mélusine reloaded à l’invitation de Mara Magda Maftei le séminaire de recherche « Formes de vie posthumaines. Perspectives critiques et socio-philosophiques » consacré cette année  à « Des plantes, des animaux et des guerres, avec Mathieu Larnaudie et Hervé Brunon.
8/ Vendredi 14 février à 19h30 avec la librairie l’esperluette (Librairie Esperluette) à Lyon une rencontre et lecture autour des deux livres : au Cercle st Irene 32 rue des anges dans le 5e .
9/ Le 5 février rencontre à la Maison de la Poésie – Scène littéraire à 20h autour de l’anthologie de poésie qui paraît chez Editions Seghers à l’invitation de Jean-Yves Reuzeau.
10/ Le 13 février de 16h à 20h au Composition contemporaine CNSMD de Lyon (conservatoire national de musique et de danse) de Lyon à l’invitation de Aurelien Dumont pour évoquer le travail de Laure Gauthier entre poésie et musique.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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