Jacqueline Persini, L’abécédaire d’un chemin, Henry, octobre 2024, 96 pages, 12 €, ISBN : 978-2-36469-287-9.
En don plus mémoriel que récapitulatif, rendu l’amour insatiable de la vie d’une mal-aimée d’enfance qui a franchi, jusqu’à les abolir ici, les nombreux obstacles de son chemin, à présent épelé par « un pâle soleil / Qui se hâte / De fredonner […] Même au plus fort de l’hiver. »
« S’accumulent les ombres / Dans une goutte d’eau / Dont se saisit l’insecte / Qui a soif. » Ou « Les trous du chemin / Disent Non / À la nuit partout / Car les attire / La douceur / De la neige. » Le poème, entre métaphore élémentaire et apologue discret, s’est abrégé au plus juste, à ce qui tient dans une goutte d’eau, illustrant sa nécessité sans l’afficher.
Quand d’autres perdent leurs pétales, elle « perd un peu sa tige. »
S’en passant à vif à ses débuts, peu à peu le recueil se peuple de rimes, « genêt » et « nez », « cueillette » avec « voix secrètes », « veine » et « fontaine », « écorce » et « torse ». Le chemin douloureux s’est aplani.
« « Quand la nuit t’éparpille / Te dévêt sans te briser / Entre deux eaux, le cœur gros / Tu accueilles l’autre rive. // Mais haut le poignet / Tu tiens l’aubépine. » (c’est moi qui souligne) : esquivant de rimer, se profile la poésie ternaire de Dante.
Réparée la grossièreté pesante de la freudienne résistance, « Le mot résister prend l’allure / De silhouette obstinée / À dormir debout / En marchant. » Protégé « ce lieu / Où le temps / Prend son temps. » Ménagé un espace-temps où « l’enfant ne voie / Dans l’écume des vagues / Que la crinière d’un cheval. »
Leçon de vie durement, doucement conquise aux contreforts de l’âme, en un temps où l’humain hoquette la sienne. L’hiver de Jacqueline scintille de tous ses glaçons.
Testamentaire, mais comme on teste amant. Texte âme en terre Adélie, où les pôles se rejoignent.
De Jacqueline ces quelques vers, tendres, denses, serrés desserrés de page en page – en regard des rumeurs que propage sur internet, cible des millions d’incultes, la propagande, ingambe, dantesque.
De Jacqueline, devenue cette enfant adulte par la souffrance et la grâce de la psychanalyse, mal reçue, mieux épandue – et depuis longtemps en vers, de recueil en recueil de plus en plus substantiels.
Œdipe, ou le dernier homme, écrivait Nietzsche : l’un de ses joyaux posthumes ressortant de la masse des falsifications apocryphes nazies que des « philosophes », sur les brisées du nazi Heidegger, tournent & retournent, toujours aussi abstrus. Jacqueline, ou la dernière enfant ?
Non, disent sa modestie, sa sensualité, qui appellent au partage.