« La guerre touristique est déclarée », proclame Ovaine – qui essaie par ailleurs de se conformer à l’injonction actuelle d’autonomie…
Mais avant ces deux nouvelles aventures d’Ovaine (extraordinaires !), la révolution épidémiK déclarée par Joël HUBAUT à partir de ce mercredi 26 mai… Et aussi trois livres reçus qu’on lira avec intérêt (de Dominique Favre, Marie de Quatrebarbes, Claude Royet-Journoud)…
Et enfin vous attendent deux RV à ne pas manquer (Libr-événements)…
Livre de la semaine à la UNE
Joël HUBAUT, Proto-poèmes épidémiK, préface de Fabrice Thumerel et quatrième de couverture signée Richard Martel, Dernier Télégramme (Limoges), en librairie à partir de ce mercredi 26 mai 2021, 132 pages, 15 €, ISBN : 979-10-97146-36-8. [Sincèrement, on ne peut que saluer le travail éditorial : c’est un magnifique volume !]
C’est précisément en pleine crise épidémique qu’éclate la puissance subversive de l’épidémik, cette attaque contre l’ordre moral (CLOM)[1] lancée par celui qui se réclame du « pest-Moderne » : contre les forces réifiantes et homogénéisantes, « l’incohérence vitale anti-ordre / infection / infection des images dans la langue expansée », un flux poétique qui rende compte un tant soit peu des flux de la vie – telle est aussi la dimension utopidémik du projet. Pour ce qui est de sa composante politique, on lira par exemple cette salve : « l’épidémie de résistance combat l’épidémie de domination sérielle du mimétisme obligatoire dans le pullulement de masse des profusions standards, épidémie d’exploitations, culture de contrôle, diktat »…
Grâce à l’heureuse initiative du Dernier Télégramme, après la republication sérialisée sur la revue en ligne Libr-critique.com, tous les esprits curieux pourront disposer d’un objet artistique déconcertant et bouillonnant, doté d’une rare vie singulière – avec en prime quelques inédits.
(Fabrice Thumerel, « La Révolution épidémiK », préface, p. 9-10).
[1] Cf. Philippe Boisnard, INTER-ACTION C.L.O.M., Le Clou dans le fer, 2007.
Libr-livres reçus
► Dominique Favre, Une enfance, éditions de l’Attente (Bordeaux), en librairie le 26 mai 2021, 96 pages, 11 €.
Présentation éditoriale. Une enfance passée en famille d’accueil, évoquée en filigrane dans les récits, nouvelles et romans de Dominique Fabre, est ici abordée de front, sans personnage prétexte, en « je » direct. Pas de mélo, pas de pathos pesant malgré la dureté du drame, l’abandon, les morts. L’humour désabusé et l’émerveillement candide qui caractérisent l’écriture romanesque de l’auteur se retrouvent dans sa poésie. Ainsi que ses thèmes de prédilection : la banlieue, la mélancolie attachante de la routine, les micro-évènements qui font chavirer le cœur… Avec son air de rien, Une enfance nous montre combien le monde adulte nous entrave, et combien le territoire de l’enfance reste libre en nous.
► Marie de Quatrebarbes, Les Vivres, P.O.L, en librairie le 3 juin 2021, 92 pages, 12 €.
« Au bord parfois très pentu où je me penche,
je m’en vais m’aligner sur un espoir plus grand. »
Présentation éditoriale. Les vivres est le journal recomposé (de septembre à février) d’une disparition espérant, dans l’intervalle ouvert par la disparition, appeler une autre mesure du temps que celle du deuil. Élégiaque ou projectif, le vers passe en contrebande dans la prose, la contamine comme le souvenir d’une langue maternelle résiste à l’effacement. Images d’enfance. Mots perdus et retrouvés. Souvenirs redistribués dans le langage. Peut-être s’agit-il d’inscrire la survivance d’un lien au revers du présent langage, et de tenter d’habiter temporairement cet intervalle comme on assemble les pièces d’un puzzle pour recomposer une figure toujours dissemblable.
► Claude Royet-Journoud, L’Usage et les Attributs du cœur, P.O.L, en librairie le 3 juin 2021, 96 pages, 16 €.
Les poèmes de Claude Royet-Journoud nous placent, lecteurs, dans « la dramaturgie de ce qui vacille », ou notre situation dans la langue face au monde. L’usage et les attributs du coeur est une exploration minutieuse des états d’émotion dans la langue et à travers l’écriture des mots. Le lyrisme du poème n’est pas dans l’ivresse du langage mais plutôt dans la dépossession, l’absence à soi-même, les jeux aléatoires de la langue. Mais la question est toujours la même : le récit possible du réel. Le récit et son énigme quand il a recours au vers, au poème. Le livre se fait enquête perpétuelle. L’auteur réunit des indices. Et à l’intérieur des failles, qui sont aussi une architecture, il esquisse une fable. Il s’agit en réalité d’un seul texte, et non simplement une suite de poèmes. D’une histoire à naître, à découvrir. Le vers est un miroir. Il se reflète et se transporte dans un autre poème sans pour autant perdre son identité. D’où cette attention aux petits mots de la langue, aux articulations, aux prépositions qui détournent le « courant » et permettent ainsi au poème de se reformer dans un espace inédit. Les mots du poète sont autant de stigmates d’une langue en quête du monde, des émotions, des « attributs du coeur ». Logique du moindre, de l’imperceptible, de l’accidentel.
Les Nouvelles aventures d’Ovaine
♦ La guerre touristique est déclarée.
Ovaine, recrudescente, est chargée de fondre la Tour Eiffel pour fabriquer des milliards de petites répliques pour l’exportation.
Elle recrute des petites mains à tours de bras, remue toutes les usines et palabre en imperméable à la sortie des écoles.
Le brasero crépite jusqu’au ciel. Mais les dessous de la tour affolent. C’est la débraille et la tripote à tout va, un vrai sabbat.
La police, alertée, embarque tout ce bas monde. Ça sent le roussi…Ovaine, exfiltrée par son loup, planque dans le soupirail d’un couvent.
La Tour, presque encore vierge, rajuste ses affrioles et pointe au ciel un doigt que je vous dis même pas.
♦ Ovaine est sommée d’être autonome. Nul n’a plus besoin de nul.
Le midi, elle farcit ses narines de moutarde et y fourre une paire de saucisses qu’elle croque en mitaines.
Pour retrouver son chemin, elle abandonne mille détritus sur la voie publique.
Au premier amoureux qui se pointe, elle l’envoie paître en son désert.
À minuit, elle congédie ses rêves qu’elle traite de parasites.
Au matin, le monde est nu comme la mort qui n’a besoin de personne pour exister.
Libr-événements
► Mercredi 9 juin, 17h30 – 19h30
Présentation, lecture et dédicaces par les auteurs du Livre en question saison 4 Christian Prigent, Vanda Bénès, Line Amselem, Muriel Pic et Arno Bertina, organisées par la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne en partenariat avec la Librairie Vrin et la Maison des écrivains et de la littérature.
communication@bis-sorbonne.fr – Place de la Sorbonne
► À vos agendas : du 23 juin au 6 juillet 2021, galerie Satellite (7, rue François de Neufchâteau 75011 Paris) :