[Livres – News] Libr-vacance 3

août 28, 2022
in Category: chronique, livres reçus, UNE
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[Livres – News] Libr-vacance 3

Voici le 11e post depuis le 1er août. Depuis mi-août, c’est la reprise pour LIBR-CRITIQUE à un rythme habituel : c’est donc le moment de vérifier que vous avez bien LIBR-CRITIQUE.COM dans vos favoris (pour aller à la bonne adresse, taper : libr-critique.com – sinon vous tombez sur des sites onomastiquement proches : y aurait-il tant de critiques libres ? 😉)…
Si vous vous étiez déconnectés un temps, nous vous invitons à découvrir les derniers posts :  créations de Laura Caron, André Rougier et Mathias Richard ; chroniques LIBR-VACANCE + sur Sébastien Rongier, Rémi Checchetto, Pierre Barrault, Isabelle Lévesque, Annie Ernaux, Jean-Luc Parant et Antonio Tabucchi (hommages)

Et comme la rentrée-littéraire n’est pas un événement (quand on voit que cette fièvre non-événementielle a gagné le demi-monde littéraire et même la périphérie du pôle de création autonome, on se dit que les lignes bougent – pour reprendre un cliché en vogue), pourquoi ne pas se concentrer sur des écritures et RV plus exigeants ?

 

Grand Prix SDGL 2022 de poésie pour Ludovic Bernhardt /FT/ 

Ludovic BERNHARDT, Réacteur 3 [Fukushima], éditions Lanskine, premier trimestre  2022, 64 pages, 13 €, ISBN : 978-2-35963-048-0. [Écouter]

Une expérience apocalyptique nécessite-t-elle la réaction pathético-élégiaque de tout sujet sensible ? Dans notre société hypermédiatique, quelle prise sur l’innommable réalité nos écrans nous proposent-ils ? La poésie post-apocalyptique doit-elle faire l’économie du sujet lyrique ? Telles sont quelques-unes des questions que pose implicitement Ludovic Bernhardt dans Réacteur 3 [Fukushima].

Ce n’est pas un hasard si nous assistons à l’exploration du robot Little Sunfish : et si notre expérience du monde changeait de nature ? et si le devenir-catastrophe de notre monde entraînait une immuable et inéluctable médiatisation de notre expérience du monde sensible ?

Le poète a mis au point un dispositif intermédial (texte + performance) pour donner à ouïvoir la catastrophe en sortant de la littérature-toute-faite, du fameux style-littéraire. Pour ce qui est du seul texte, la réussite de l’écrivain et artiste visuel réside dans sa manière de combiner vision objectiviste et discours figuré ( » Massacrer des fonctions ventilatoires [narines greffées de tubes en silicones]. Débrailler des entrailles. (…) Tandis que des coulées de codes aiguillonnent les évangiles encéphalites  » – p. 33), et même comique :  » réservé aux membres d’un comité, rire universel du general intellect, rire destructeur filmé en 3D, rire de nettoyage des robots collaboratifs. Rire contagieux. Fragment [de rire] sur les machines  » (35).

 

Libr-notes de lecture /FT/

♦ Corinne LOVERA VITALI, Kill Jekyll, éditions Do, mai 2022, 184 pages, 17 €, ISBN : 979-10-95434-40-5. [Écouter]

Tout en homophonie, un titre qui claque. Tout comme chacun des sept micro-récits bizarres, qui font éclater les failles et dissonances des couples. Rien ne sert de résumer les « intrigues » : ce sont des expériences existentielles (côté personnages) et scripturales (côté autrice).

Corinne Lovera Vitali est passée maîtresse dans l’art des monologues authentiquement crus, qui s’opposent aux habituelles « flaques de conversation » (23). Les voix / voies narratives s’égarent parfois dans les tourniquets de phrases en colimaçon, dans lesquelles les circonvolutions itératives rendent compte des complexités et perplexités, des tours et détours de l’inconscient comme de la parole :
« Utiliser quatre fois de suite le mot bizarre me fait perdre son sens. Il me semble maintenant que bizarre veut précisément dire insensé. Et insensé, fou » (p. 17).
« J’ai commencé à tromper Amy aussitôt après notre mariage. Je ne sais pas pourquoi. Je draguais constamment, je ne sais pas pourquoi non plus. Malgré mon physique plutôt passe-partout je parvenais à coucher avec des femmes de tout âge, des filles, des femmes mariées aussi, cela n’avait aucune importance puisqu’elles n’avaient aucune importance. J’imagine donc que je n’avais aucune importance non plus, ni Amy. Ce serait une façon de considérer mon activité frénétique de la bite. Seule ma bite avait de l’importance » (64).

 

♦ Dominique Quélen, quélen = enqulé, éditions Louise Bottu, Mugron, mai 2022, 94 pages, 14 €, ISBN : 979-10-92723-56-4.

Soit cette anagramme comme contrainte initiale : quélen = enqulé. Et l’écrivain de faire parler avec brio son nom en propre de quatre façons différentes à partir de (mytho)biographèmes.

Si l’intéressé a de quoi être sur le cul à réentendre la voix paternelle, c’est sans doute à cause du côté peigne-cul de l’écolier qu’il représentait aux yeux d’une figure tutélaire qui en avait plein le cul (« Vas-y ») ; dans « Remember », l’élève « pénètre l’envers de l’être » (p. 25) de ceux par qui il est ; « J’entre » présente une autopénétration buccale pancorporelle ; enfin, dans « Tu te tais », l’enfant-poète ne respecte pas les règles du jeu, se taisant au lieu de faire circuler les mots comme les billes…

Un Quélen étonnant !

 

♦ Nicolas RICHARD, Déchanter, éditions PLAINE Page, coll. « Connexions », 86 pages, 10 €, ISBN : 979-10-96646-42-5.

Voici un montage pour démonter / remonter nos discours à partir de prélèvements / déplacements : ces répertoires doxiques qui se présentent sous la forme de listes lexicales ou de textes en vers libres offrent des télescopages isotopiques entre discours nationalistes ou patriotiques et discours ambiants. Ce sont des Agencements Répétitifs Négatifs (ARN) au sens où ils déclinent en multiples variations les doxas qui nous travaillent, en révélant la puissance idéologique.
Deux exemples : « toutes nos pensées vont au travail / nos pensées c’est beaucoup de travail / parce que le travail est libérateur / parce que le travail est émancipateur / parce que le travail est béni » (19) ; « un soldat ne recule pas / […] un soldat est viril / […] un soldat est brave / un soldat n’échappe pas au combat / ne craint pas la bataille » (33)…

De quoi faire déchanter nos sociétés post-politiques où dominent « des foyers éternels de démocratie consensuelle » (14).

 

Libr-événement

Rendez-vous jeudi 8 septembre à 19h30 au Forum des Images pour la prochaine projection du film « Pierre Pinoncelli, l’artiste à la phalange coupée » dans le cadre de l’Etrange Festival, en présence du réalisateur Virgile Novarina :
http://www.etrangefestival.com/
Depuis ses deux attentats au marteau contre l’urinoir de Duchamp en 1993 puis en 2006, l’artiste Pierre Pinoncelli est connu dans le monde entier pour cet acte iconoclaste et subversif. Souvent mal interprétée par la presse, cette double performance, et les procès qui l’ont suivie, ont occulté le reste de son œuvre : ses peintures des années 60, et les nombreux happenings percutants qu’il a réalisés. Pinoncelli a aspergé André Malraux de peinture rouge en1969, braqué une banque pour protester contre l’apartheid en 1975, et il s’est mutilé en 2002 pour dénoncer la violence des FARC en Colombie. Souvent motivé par des revendications politiques, Pinoncelli a été au bout de ses idées et s’est exprimé par des gestes souvent choquants, qui nous interrogent.
Bande-annonce du film :
https://vimeo.com/691379563
Le Forum des Images
Forum des Halles
2 rue du cinéma
75001 Paris
01 44 76 63 00
Infos pratiques :
https://www.forumdesimages.fr/…/infos…/acces-horaires
Plein tarif : 10 euros. Tarif réduit : 8 euros
Pierre Pinoncelli, l’artiste à la phalange coupée (85’, 2022),
un film de Virgile Novarina produit par Gilles Coudert,
une coproduction APRES production & Vosges TV Avec la participation de Centre National de Cinéma et de l’image animée et le soutien de la Région Normandie.
Disponible en DVD :
https://www.apres-production.com/…/dvd-pierre…/
L’Etrange Festival aura lieu du 6 au 18 septembre 2022 au Forum des Images à Paris. programme complet :
http://www.etrangefestival.com/ressources/files/EF2022.pdf
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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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