[Création] Corps de, texte de Johan Grzelczyk, interpretation de Romain Bonnet et Mathilde Courcelle

[Création] Corps de, texte de Johan Grzelczyk, interpretation de Romain Bonnet et Mathilde Courcelle

décembre 30, 2015
in Category: créations, UNE
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[Création] Corps de, texte de Johan Grzelczyk, interpretation de Romain Bonnet et Mathilde Courcelle

Pour bien terminer 2015, découvrons un inédit du trio qui vient de faire paraître La Bouche pleine de : dans le texte de Johan Grzelczyk mis en bouche et en musique par Romain Bonnet et Mathilde Courcelle, on sera attentif au contraste entre la litanie des réalités corporelles et la déréalisation mise en œuvre par la bande sonore.

 

le corps fossile comprend cinquante-deux ossements : un bassin, un fémur, des phalanges plates, un os pelvien, l’ensemble participe d’un organisme pré-humain. le corps du saigneur, lardé piqué de clous, se lézarde à la première secousse, entrouvre son épiderme, écarte les pans de sa carcasse, se démembre et choit de la croix. le corps insolence de l’indolent se meut du geste et reste coi. le corps de l’institutrice, sa main la craie, son dos au tableau, son dos là-bas le bas de son dos, les cris tympans, une marelle sous le préau, coup de sifflet et paire de mollets. le corps sternum souffle du cœur à la bouche. le corps bondé comme un dance-hall grouille de ses viscères turbulents. le corps de soixante-cinq kilos, imbibé d’eau de sang, avec ses os et tout le toutim, tout le barda empaqueté en panse sur pieds. le corps orifice, toutefois sans issue. le corps épanché du plombier, déboucheur ventouse et mâchoire à sertir à sa portée. le corps épreuve du contempteur. le corps absolument commun du diplomate dispose d’épaules et d’épaulettes à l’avenant. un corps à l’œil optimum, dix sur dix et deux vingt, je pose. le corps à l’heure puisqu’il est temps, maintenant, de vaquer à dépérir. le corps souffrant de celui qui, sentinelle macabre, sait son corps, son corps inexorablement, qui l’éprouve dans l’intimité de chacune de ses parties, qui a veillé tard dans l’identification d’avec lui. le corps de l’auteur, de la main à la bouche, une poignée de mots, de la bouche à la main. le corps émeute, ça gronde, les ossements volent les voitures brûlent, on entend au loin les slogans borborygmes. le corps absence du disparu. le corps du modèle vivant, son corps contraint, disposé tordu sur la sellette, son corps vivant, la pause sa chair, ses plis la courbe, le vide s’est plaint. le corps du boucher, la main couteau à saigner, un gant cinq doigts cotte de mailles, la bouche et dents – son sourire – lambeau de sang. le corps de la bête, son corps pointillé, le corps chose de la bête, son corps morcelé, les muscles le gras les nerfs les os – la lame – les bons les bas morceaux, son corps démembré. le corps payant de celles qui ne l’offrent pas vraiment. le corps qui s’ouvre tout à fait, à quatre pattes, aux vents mauvais. le corps aux ongles taillés au carré charrie son ADN diffamatoire. le corps de mère, les pieds nus passés dans les étriers, ses contractions corps convulsé, son ventre d’eau, le placenta, ses seins son lait. le corps du nouveau-né, le corps nouveau du nouveau-né, sa peau l’a douce, fontanelle au crâne mou, le cordon est clampé. trace les rues du corps, tabasse en artère. le corps martyr, sa peau écorce écorchée, ses membres à contusions, ses cheveux arrachés, son sang sur son corps abîmé : un corps sac une flaque un trousseau de clefs. le corps du gigolo, le sperme la tache des poils un drap. le corps du mercenaire, son corps ablation comme dernier bastion, son corps confettis aux quatre vents du champ de bataille, son corps dégoupillé sur la table des opérations. un corps retrouvé hier, porté disparu dans un étang, par des riverains, bordant le château à découvert. le corps et puis. le corps du boxeur, la main biceps, les pectoraux abdominaux, uppercut en gants pour ménager. le corps de l’adversaire, la pointe du menton, l’arcade sourcilière, le protège dents de l’adversaire, sa bouche cassée. le corps, le pied comme la main. le corps mécanicien, auréole fluide noir injecté dans l’avant-bras, à la morsure du coude découverte bleue d’une manche retroussée. le corps de la ballerine, juste le corps de la ballerine qui s’agite en justaucorps, son dos arqué ses pieds bandés, la peau de corne en ongle incarné. les corps excrémentiels, bardés de boues, maudissent la terre qui se libère de leur présence. (rivalisant d’arguments organiques, de sécrétions suées afin de s’opposer à leur destin collectif, ils gaspillent le peu d’énergie dont ils nous indisposent dans un combat perdu d’avance). le corps de l’athlète, le corps tout entier, tout le corps de l’athlète. le corps de Nicomie, dispo ce soir pour un plan cul à Versailles. les corps épuisés nous sont comptés, soustraits de la tonalité générale de notre plénitude. un corps plongé dans la nuit, au repos, subit toujours quelque pression. le corps du dictateur, en prison d’uniforme taillé à sa mesure, secoue les bras, porte les mains à ses mots, s’ébroue aboie. l’envers du corps s’abomine tandis que sa face nord se dore au soleil et s’écorche au sable émeri. le corps anonyme fouillé d’une main professionnelle et gantée, un doigt par ci un doigt par là, ceci ne m’appartient pas. le corps éruptif d’une jeunesse, ignorante de ses richesses, débordante d’une sève opiniâtre à laper sucrée. du corps exogène prétendre faire l’exégèse. le corps ceint, un peu gourd, esquive la prise de hanche et poursuit son pas. le corps encore, en corps à corps, se mue de soi, tu vois le tableau…

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rédaction

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