[Chronique] Durable effet mère (à propos de Patrice Delbourg, Fils de Chamaille), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Durable effet mère (à propos de Patrice Delbourg, Fils de Chamaille), par Jean-Paul Gavard-Perret

février 7, 2019
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[Chronique] Durable effet mère (à propos de Patrice Delbourg, Fils de Chamaille), par Jean-Paul Gavard-Perret

Patrice Delbourg, Fils de Chamaille, éditions Le Castor Astral, Le Pré Saint-Gervais, en librairie ce 7 février 2019, 304 pages, 18 €, ISBN : ISBN 979-10-278-0202-9.

Patrick Delbourg est en littérature comme le héros de son livre : un vieux de la vieille. Celle de ce dernier était du genre évaporée. Elle mérita bien son nom de « La Chamaille ». Pour harceler son monde elle n’eut jamais sa langue dans sa poche. Celle qui a tout fait pour avoir son enfant (Aimé Ratichaud) et surtout le nécessaire lui a donné en héritage une telle langue de tamanoir. Si bien que l’enfant de semence est devenu celui des « semonces ».

L’auteur a trouvé dans son héros un double idéal qui couvait en lui depuis longtemps. Ratichaud devient l’histrion et le bouffon des rois du si petit monde de la littérature incarné par Gaetan Malinois, jeune pousse de l’édition et parfait « sparring-partner » du mal Aimé.

Son vis-à-vis aura peut-être le dernier mot mais Ratichaud l’aura néanmoins mis K.O. Grâce « aux souvenirs mordants de sa parentèle », il réduit le « jeune benêt » à de la mortadelle. Et si le fils se veut le maudit de sa tribu il fait siennes des imprécations à sa mère chienne et vénérée. Ses mots dits succèdent aux siens et achèvent sa Saint Barthélémy littéraire.

Celui qui ferraille encore pour publier et faute de temps pour la bagatelle n’a plus fait l’amour depuis « quelques olympiades ». Ce qui ne l’empêche pas de jouer les bravaches avec de vieilles femmes fans de ses premiers opus et qui sont surpris de le revoir. Il faut les comprendre : elles le croyaient mort depuis la première guerre du Golfe… Néanmoins, le temps ne fait rien à l’affaire et le monstre s’affaire à son entreprise de démolition du théâtre dérisoire et pathétique de l’édition « officielle ».

Face à ses règles d’adhésion, d’euphorie du liant, de l’illusion d’un avenir en amélioration, le geste romanesque de l »‘hygiéniste » d’un nouveau genre propose sa non-menclature, sa désillusion cruelle face aux démagogues volubiles auxquels il coupe la parole mais aussi le kiki.

La vindicte comique fait un sort aux assujettissements radicaux des prétendus éditeurs qui propagent des produits lamentables. Ratichaud propose son désordre dans la machine savamment huilée. Et c’est peu dire que le semblable, le frère de Delbourg, entame un sacré coup de torchon.

Par son humour, le romancier n’a cessé d’offrir la fraîcheur et la liberté du délié, du désaccordé ouvert à la jouissance – même s’il existe un peu d’effroi devant la puissance de perte que cela suppose.

Néanmoins, ce désaccord majeur fait vivre, rire et grincer la littérature. Courant le risque de ne pas retenir la vindicte (voire pire…), Ratichaud possède le souffle expressif qui permet de respirer enfin face au « freluquet » Malinois dont la fin était inéluctable. Le fils de la Chamaille en son « In Memoriam » aura donc bien fait le travail. Le résultat est un régal.

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rédaction

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